Cédric Meyer

Les monts Kaatsberg, ou Catskill, ont été de tout temps une contrée riche en fables. Les Indiens croyaient qu'ils étaient le domaine d'esprits qui influençaient le temps, qui faisaient la pluie ou le beau temps dans la région et les gratifiaient de bonnes ou de mauvaises saisons de chasse. Ils étaient régentés par l'esprit d'une vieille squaw dont on disait qu'elle était leur mère. Elle vivait sur le plus haut sommet des Catskill et avait charge d'ouvrir et de fermer les portes du jour et de la nuit à l'heure due. Elle accrochait les nouvelles lunes dans le ciel et découpait les anciennes en une multitude d'étoiles. Dans les périodes de sécheresse, si l'on avait su la rendre propice, elle tissait de légers nuages d'été à l'aide de toiles d'araignées mêlées de rosée matinale, et les égrenait, du haut des montagnes, flocon après flocon, comme des peluches de coton cardé ; ils flottaient dans l'air jusqu'à ce qu'ils se dissolvent à la chaleur du soleil pour retomber en douces ondées qui faisaient lever l'herbe, grossir les fruits et pousser le blé indien d'un pouce par heure. Cependant, si on la mécontentait, elle concoctait des nuages noirs comme l'encre au milieu desquels elle s'asseyait, telle une araignée au centre de sa toile, l'abdomen enflé comme une outre, et quand les nuages crevaient...malheur aux vallées.

Washington IRVING : Rip Van Winkle, apostille tirée des notes de voyages de M. Knickerbocker