Par où l'on voit qu'un hasard n'est pas celte absurdité que serait un fait sans cause ; il suppose, au contraire, le concours de plusieurs causes. Mais on peut dire que c'est un fait sans loi ; car aucune loi n'explique ce concours même. C'est un « pur fait », c'est une « donnée ». Et ainsi, pour nier l'existence du hasard, il faudrait une philosophie assez orgueilleuse, assez confiante dans les puissances déductives de la raison pour contester que la raison même ait à s'incliner devant un certain nombre de faits donnés.
Et encore, lorsque nous admettons que la caste dérive de la famille, il faut s'entendre ; il ne faut pas prendre le terme de famille au sens étroit et précis qu'on lui attribue d'ordinaire. On s'abuserait si l'on tenait dès à présent pour démontré que les membres d'une même caste descendent d'un même ancêtre et sont en réalité consanguins. Le sentiment d'une parenté a dû présider à l'organisation d'une caste : cela seulement est démontré. Mais qui dit parenté ne dit pas forcément consanguinité. La parenté ne semble-t-elle pas souvent dériver, selon les idées primitives, de l'accession à un même culte, ou de la seule identité des noms, ou même de la simple cohabitation ? Il se peut donc que la caste ait été originellement formée de membres appartenant, en réalité, à des lignées différentes.
Nous voulons une morale scientifique dans ses principes et juridique dans ses
conséquences : pour qu'elle puisse être contraignante, il faut d'abord qu'elle soit évidente.
Or la morale solidariste paraissait justement préoccupée de s'assurer ces caractères.
Faut-il traiter les hommes en égaux ? En ce cas quelle sorte d’égalité leur reconnaître ? Dois-je professer qu’ils ont mêmes devoirs, mêmes droits ? Voudrai-je que les biens, spirituels ou matériels, leur soient départagés en lots uniformes, ou en lots proportionnés, soit à leurs besoins, soit à leurs mérites, soit à leurs œuvres ? – Autant de problèmes moraux que les tendances égalitaires proposent à notre conscience. Nous ne pouvons prendre parti pour ou contre l’une d’elles, nous commander de la suivre ou nous reprocher de l’avoir suivie sans avoir, implicitement ou explicitement, résolu ces problèmes.
Dans quelles sociétés les pensées et les habitudes, les livres et les codes, les institutions rêvées comme les institutions respectées manifestent-elles donc que l’esprit égalitaire est en marche ?
Si l’on se rappelle les éléments de notre définition de l’idée de l’égalité, on reconnaîtra aisément que nous n’avons eu, pour les ressembler, qu’à chercher autour de nous, dans les sociétés modernes et occidentales : c’est des réalités les plus proches que nous nous sommes inspirés ; c’est bien l’esprit de notre temps qui nous a soufflé nos mots.
Mais qu'on prenne garde que, par ces quatre mots, spéculation, historisme, naturalisme et psychologie, nous voulons seulement désigner quatre points idéaux autour desquels oscillent, avec des écarts plus ou moins amples, les penseurs allemands. Nous ne prétendons pas que, dans la réalité, des périodes bien tranchées, qui se suivraient sans se confondre, correspondent à ces quatre tendances.
En résumé, l’idée de l’égalité des hommes, telle que nous l’avions définie, ne nous a pas semblé se manifester partout : suivant sa trace à travers les doctrines et les institutions, nous l’avons rencontrée, non pas à l’origine des sociétés, là où n’existe à vrai dire aucune civilisation, mais seulement à l’intérieur de cette civilisation qu’on appelle occidentale.
Le mot d’ordre qui s’en dégage, faut-il donc dire que c’est l’individualisme à
tout prix, sans réserve ni mesure, et qu’ainsi la philosophie du XVIIIème siècle a déchaîné sur la France, au risque d’y rendre impossible toute organisation, un esprit de liberté orgueilleux, rogue, toujours prêt aux revendications et jamais aux concessions ? On serait amené par là à faire porter, à cette même philosophie, la responsabilité des malaises graves dont la civilisation occidentale a souffert, lorsque l’industrialisme naissant a lié partie avec le libéralisme et qu’on a cru résoudre au mieux tous les problèmes, tant sociaux qu’économiques, en répétant : « Laissez faire, laissez passer ».
Songeant aux futurs étudiants en sociologie, élèves des Facultés ou élèves des Ecoles normales d'instituteurs, nous avons retenu les travaux de langue française qui nous ont paru spécialement propres à l'oeuvre d'initiation. Nous les avons classés sous des rubriques très larges : Sociologie générale, Sociologie domestique et politique, Sociologie juridique et morale, Sociologie religieuse, Sociologie économique. Nous avons le plus souvent ajouté aux signalements bibliographiques, que nous avons fournis aussi détaillés que possible, une note brève qui rappelle le contenu, le caractère, la tendance des livres ou des articles signalés.
Les Français parlent toujours légèrement de leurs malheurs, dans la crainte d'ennuyer leurs amis ; ils devinent la fatigue qu'ils pourrait causer, par celle dont ils seraient susceptibles : ils se hâtent de montrer élégamment de l'insouciance pour leur propre sort, afin d'en avoir l'honneur au lieu d'en recevoir l'exemple. Le désir de paraître aimable conseille de prendre une expression de gaieté, quelle que soit la disposition intérieure de l'âme ; la physionomie influe par degrés sur ce qu'on éprouve, et ce qu'on fait pour plaire aux autres émousse bientôt en soi-même ce qu'on ressent.