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Critiques de Céline Wagner (52)
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Un héros de notre temps

"Ah ! quel ennui que de vivre ! et on vit tout de même... par curiosité. On attend quelque chose de nouveau... C'est ridicule et absurde !"



Je me souviens encore du "camarade professeur", tonnant devant le tableau noir. Il soutenait que Petchorine, le héros de ce livre, était un personnage tout à fait condamnable, l'image même d'une vie immorale, un lâche incapable de s'intégrer correctement dans la société. Et on écoutait, et ensuite on recopiait tout cela comme des ânes dans nos rédactions, parce que personne n'avait vraiment envie de lire le livre. En tant que héros de "notre" temps, celui de la "normalisation" de la fin des années 80 en ex-Tchécoslovaquie, le blasé cynique Petchorine a lamentablement failli.

Quelques années plus tard j'ai découvert la poésie de Lermontov. Elle m'a fait plus ou moins réviser l'étiquette de "l'homme inutile", que l'on collait alors systématiquement à tous les héros "byroniens" ; à tous ces individualistes poussés sans cesse par l'envie de "partir ailleurs", dégoûtés et fatigués par la société dans laquelle ils vivent. Et maintenant, après la lecture d'"Un héros de notre temps", je me rends compte une fois de plus à quel point on peut facilement se laisser convaincre par l'opinion d'un tiers, simplement parce qu'on est trop paresseux pour vérifier les faits.



Contrairement à mon camarade prof, j'étais enchantée par la franchise du héros de Lermontov, qui dévoile sans pudeur ses pensées les plus secrètes, en analysant froidement ses faiblesses et ses erreurs. Petchorine est tellement différent de tous ces héros positifs et clairement profilés de l'ère héroïque des radieux lendemains, qu'on peut difficilement considérer sa recherche et ses tâtonnements comme quelque manifestation d'inutilité et de futilité. C'est davantage une rébellion intérieure, une décision de chercher la vérité même dans cette bouse sociale censurée dans laquelle il a vécu et qui l'a largement façonné.



Lermontov a doté son Petchorine d'intelligence qu'il utilise à son avantage, et grâce à laquelle il s'élève au-dessus de son entourage. L'un de ses passe-temps favoris est de manipuler les gens, en particulier les femmes stupides, mais après un certain temps il n'y trouve plus aucune satisfaction. Il désire plus qu'un divertissement qui vide agréablement l'esprit. Mais sa nature ne lui permet plus de trouver le bonheur - même illusoire - ni dans l'amour, ni dans l'amitié. Prisonnier de son intraitable ego et de son arrogance, il commence à mépriser tout, y compris son éducation et son intelligence, le destin, l'humanité et même sa propre mort.

Il fait en effet triste figure dans la joyeuse société de la petite-bourgeoisie, dans ce théâtre tragicomique où les uns font semblant d'être sincères, et les autres font semblant de faire semblant d'être sincères.

Comme il ressemble à Onéguine de Pouchkine, ou à Oblomov de Gontcharov ! A Manfred, Heathcliff et tant d'autres. Comme il ressemble aux héros de Kundera... comme il est éternel.



La nouvelle, très agréable à lire, a été écrite entre 1838 et 1840.

Cinq chapitres presque indépendants, liés seulement par le personnage de Petchorine (tantôt on l'évoque dans des souvenirs, tantôt on lit son journal), se déroulent dans de luxueuses stations thermales caucasiennes au milieu de la haute société militaire et civile, mais aussi dans des coins reculés et sauvages de la montagne. Lermontov connaissait bien ces paysages et les habitants du Caucase. Il y avait passé ses années d'exil, après avoir écrit un poème en l'honneur de la mort tragique de Pouchkine ; il n'est d'ailleurs pas sans intérêt de comparer la fin de Pouchkine avec celle de Lermontov, à vingt-six ans seulement !

Lermontov a choisi le nom de son héros encore en hommage à Pouchkine : tout comme Onéguine était créé d'après la rivière Onega, Petchorine est né de la rivière Petchora.

En comparant la vie de Lermontov au livre, on ne peut pas chasser l'impression que nous lisons une sorte d'autobiographie voilée de l'auteur.

"Un héros de notre temps" est véritablement un portrait, mais pas d'une seule personne. C'est un portrait composé des défauts de toute une époque. Vous pourriez argumenter que l'homme ne peut pas être aussi mauvais, mais si on est capable de croire en la véracité des malfrats tragiques et romantiques de toutes sortes, alors pourquoi ne pas croire en Petchorine ? Pourquoi nous est-il si difficile de l'absoudre ? Il contient peut-être plus de vérité qu'on n'aurait souhaité...?

L'abus de sucreries dérange l'estomac, et le remède est amer. Lermontov ne prétendait jamais vouloir devenir un prêcheur contre les vices humains, son esprit était bien trop large, pour cela. Il a seulement pris plaisir à peindre un homme tel qu'il le comprenait, et tel que, malheureusement, il le rencontrait trop souvent. Il a détecté la maladie, comment la guérir - Dieu seul le sait.

J'ai été convaincue de la sincérité de l'auteur, qui a si impitoyablement révélé ses propres faiblesses et défauts. L'histoire d'une âme humaine, même si cette âme semble ignoble , est peut-être encore plus intéressante et utile que l'histoire de toute une nation, surtout quand elle est le résultat d'une introspection profonde, et quand elle n'est pas écrite dans un désir ambitieux de provoquer la pitié ou l'admiration.



Quant à mon opinion définitive sur le personnage de Petchorine, je réponds par le titre de ce livre. "Mais c'est une cruelle ironie !", me diriez vous. Je ne sais pas. 5/5
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Un héros de notre temps

Loin de Moscou et de St-Petersbourg se trouvent les postes frontaliers, aux confins des régions les plus sauvages et les plus inconnues du continent, à la lisière de l’Europe et de l’Asie. Et c’est dans l’une de ces régions, le Caucase, entassé entre la mer Noire et la mer Caspienne, que s’ouvre le roman Un héros de notre temps, écrit par Mikhail Lermontov.



Le narrateur, qui voyage entre l’Ossétie, la Géorgie, l’Arménie et d’autres petites contrées sous contrôle russe, traverse les montagnes, les cols et les défilés de cette étroite bande de terre. En route, il rencontre Maxime Maximitch. Ce militaire est de bonne compagnie et lui raconte une des aventures de Grigori Alexandrovitch Pétchorine, un homme de sa connaissance. Un héros plus grand que nature, qui ne craint ni les balles des montagnards hostiles ni les duels des nobles russes.



En effet, Pétchorine, pour se divertir, sème la zizanie entre Tchétchènes, Tatars, Circassiens. Il promet le magnifique cheval de l’un contre Bella, la sœur d’un autre. Lorsqu’il parvient finalement à se faire aimer de sa nouvelle femme, arrachée à sa famille, il s’en lasse tout comme il s'ennuie de la compagnie de ses semblables. Rien dans ce bas-monde ne s'élève aux idéaux auxquels il aspire. La mort tragique de Bella semble l’affecter un moment mais la fatalité le destine à d’autres aventures. Bref, il souffre de spleen bien avant qu’on ne commence à parler de ce phénomène…



Loin des bals et des raffinements de la capitale et des grandes villes, on découvre la rude vie des militaires, leur éternel combat contre les contrebandiers, les peuplades montagnardes soumises mais hostiles, etc. Le tout dans un paysage caucasien merveilleusement dépeint. Les monts Elbrouz et Krestovoï, la rivière Tchertovaïa, le col du Diable, etc. Des habitants déguenillés mais fiers, des sauvagesses envoutantes, etc. Bref, une Russie assez peu évoquée dans la littérature classique.



C’est dans ce décor que Pétchorine, dans une partie du récit où il devient le narrateur, développe une relation amoureuse avec Véra, se lie d’amitié avec Grouchnitzky, puis fait la cour à la princesse Mary pour contrarier son nouvel ami intéressé par elle. Il s’ensuivra bien des complications et un duel. Après tout, ces petites gens ne sont-ils pas des pions pour lesquels il ne peut que devenir un ennemi implacable, voire vicieux? Qu’est-ce qu’un homme blasé ne ferait pas pour s’amuser un peu, faire valoir sa supériorité, se prouver qu’il est vivant ? Se lancer vers d’autres aventures !



Lire Un héros de notre temps fut également une aventure : les changements de narrateurs agacent. On passe du voyageur (dont le nom demeure inconnu) à Maxime Maximovitch, on retourne au voyageur pour passer à Pétchorine, mais en plus tous racontent à la première personne. Confusion à l’horizon. Heureusement, le lecteur ne s’attaque pas à un roman fleuve comme les Russes avaient l’habitude d’en écrire !



Ceci dit, les décors pittoresques, les voyages dépaysants, les aventures rocambolesques, les élans amoureux, les intrigues rebondissantes… enfin tout ne peut que compenser et plaire. Mikhail Lermontov a pondu une œuvre qui a influencé des générations de Russes et qui continue sans doute à émerveiller des lecteurs partout à travers le monde.

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Un héros de notre temps

Formidable roman d'une grande richesse qui m'a captivée de A à Z. Peut-être n'est-ce pas la meilleure des traductions, mais elle est fluide et facile à lire. C' est un chef d'oeuvre, en tant que tel et non pas parce qu'il aurait inspiré d'autres écrivains russes par la suite.

Ce livre n'est pas seulement un roman psychologique. C'est d'abord, dans la première partie, un roman d'aventures, un genre de western caucasien avec, enlèvements de femmes, rebondissements invraisemblables, courses poursuites à cheval, duels au soleil, dans des paysages à couper le souffle. Ensuite, toujours dans la première partie c'est un faux roman sentimental avec clins d'oeil du narrateur ou de l'auteur. Petchorin est un héros à la Byron, qui séduit avant de larguer. Sa conquête n'en est pas dupe du tout, car c'est toujours mieux que d'être mariée à un Tatare...Le personnage sentimental est Maxime, c'est lui la victime de la première partie.

Dans la deuxième partie, on découvre Petchorin de l'intérieur. Il porte sur lui-même et sur ses aventures un regard plein d'ironie. Le personnage est détestable car il est rempli d'arrogance à l'égard de son prochain et terriblement franc. Il fait tout pour qu'on le déteste mais il nous montre aussi les coulisses du théâtre mondain aristocratique. Le récit intitulé "La Princesse Mèré" (ou Marie), s'apparente à un mélodrame en trois actes, tournant autour d'un duel complètement truqué.

Le dernier récit, très cruel, fait froid dans le dos. On joue à la roulette avec sa vie. Il est significatif du profond ennui de ces officiers rebelles et déchus, envoyés dans le Caucase. Ils n'ont d'autre occupation que de boire, de se provoquer en duel, de jouer avec la mort. Aucun courage là-dedans mais un profond mépris de la vie. Lermontov a tracé le portrait d'une génération perdue complètement anti-héroïque.
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La trahison du réel

Que l'on apprécie ou pas les œuvres présentes dans ce roman graphique, elles ont le mérite de ne pas laisser indifférent.

Le récit revient sur l'union fusionnelle de deux personnages qui ont en commun l'art et une certaine difficulté à appréhender la vie.

L'auteur nous donne quelques éléments qui nous permettent de comprendre la vie des artistes, leurs addictions et défaillances.

Une histoire sombre avec des âmes torturées et pourtant si riches de leurs expériences.

En fin de volume, des pages de notes aidant le lecteur dans son cheminement.
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Un héros de notre temps

Un héros de notre temps est, sans conteste, un classique de la littérature russe puisqu'il est intimement lié à un des épisodes les plus connus de l'Histoire de la Russie, je veux bien entendu parler de la mort de Pouchkine.



Lermontov composera le sulfureux poème « La mort du poète » en l'honneur de Pouchkine mais surtout à charge contre le pouvoir en place. Cela lui vaudra illico presto un exil forcé dans le Caucase russe où il mettra un point d'honneur à finir le roman dont il est question ici: Un héros de notre temps.



Il s'agit, pour moi, d'une oeuvre hybride couvrant une multitude de styles: Roman, conte, nouvelle, poésie, chant, journal de bord, lettre, etc.

Le livre de Lermontov se compose de 5 parties qui peuvent se lire indépendamment les unes des autres (j'avais d'ailleurs lu Taman dans un recueil de nouvelles russes avant de savoir qu'il s'agissait d'une partie d'un roman de Lermontov).



La première partie concernant Bèla m'a fait pensé à Rouslan et Ludmila en plus rugueux où la femme est reléguée au rang de princesse-objet. Sans doute, cela représentait-il l'idéal amoureux de cette époque dans cette région du monde.



La partie la plus intéressante est sans doute celle où le caractère de Petchorine (le personnage principal) est passé au crible. Séducteur-manipulateur usant de cynisme pour arriver à ses fins, il m'a souvent fait penser à un certain Valmont des Liaisons Dangereuses ou à une version inavouée de... Lermontov lui-même.



Alors, à qui est destiné ce livre?



Aux amateurs de nouvelles, du Caucase, de l'Histoire de la littérature russe qui n'ont pas peur de se plonger dans une réalité révolue, celle des duels à bout portant !



« Nous allons tirer au sort celui qui fera feu le premier ... Je vous déclare pour conclure qu'autrement, je ne me bats pas. »



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Un héros de notre temps

Plus risible que les femmes qu’il dénigre (« La race est chose très importante chez la femme, de même que chez les chevaux »), Pétchorine figure le modèle d’un héros de notre temps –à condition que « héros » se confonde ici avec « bouffon ». La comparaison est implicite, elle ne tardera toutefois pas à se révéler au fil des différentes parties qui constituent ce roman.





Les points de vue autour de Pétchorine s’enchaînent ainsi pour constituer un portrait morcelé, qu’il faudra reconstituer au-delà des failles chronologiques et des doutes véridiques que nous inspirent la narration des témoins invoqués. L’imbrication des récits ne permet pas toujours de faciliter la compréhension des événements lorsqu’elle n’empêche pas carrément de suivre correctement le déroulement de l’histoire. Le roman, rabiboché de bric et de broc, semble avoir été composé dans l’hésitation, comme si Lermontov, ne sachant pas quel point de vue choisir pour décrire Pétchorine de la manière la plus convaincante, avait finalement décidé de garder tous ces brouillons et de les unir par un fil conducteur qui convainc surtout par son caractère artificiel. Le thème des amours désillusionnés, de l’individualisme naissant d’une génération, de la quête existentielle impossible à mener sans l’illusion d’une gloire proche, semblent hanter Lermontov qui développe ici les mêmes thématiques que celles qui apparaissaient déjà dans la Princesse Ligovskoï, qu’il avait commencé à rédiger quatre ans auparavant sans réussir à en achever la rédaction. Le héros porte d’ailleurs le même nom –pour un peu, il aurait suffi que la Princesse Ligovskoï trouve une conclusion pour que son histoire constitue un nouveau volet des aventures d’un Héros de notre temps.





Bien sûr, l’écriture enchante par son ton mordant, ses descriptions acerbes et sa verve ironique, et il n’est pas déplaisant de lire six fois de suite la variation d’une même histoire –mais il faut quand même avouer que dès la troisième redite, on commence à espérer une évolution du personnage de Pétchorine. Ce n’est pas le cas et le vaillant guerrier de l’amour, séducteur par fatalité plus que par désir, reste buté du début jusqu’à la fin. S’il s’agit d’un autre des ressorts comiques déployés par Lermontov, il entraîne toutefois davantage de désagréments que de véritables réjouissances. Le bouffon rigolo vire en ennuyeux chantre du désenchantement et ne parvient même plus à convaincre de l’inanité des passions terrestres. Autour du personnage de Pétchorine, la perfection aurait été atteinte si Lermontov avait su allier l’unicité du récit de la Princesse Ligovksoï à la possibilité d’une conclusion à la manière d’un Héros de notre temps.


Lien : http://colimasson.over-blog...
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Promenade de la mémoire

Le 14 juillet 2016, un camion blanc fonce dans la foule présente sur la promenade des anglais à Nice. Il s'agit d'un sordide attentat qui a utilisé une arme par destination à savoir un camion pour écraser des victimes innocentes au nom d'une religion d'amour et de paix.



Comme nous l’expliquera la préface signée par Boris Cyrulnik, c'est l'acte d'un radical qui voit la moindre divergence comme un blasphème qui mérite la mort. C'est assez cyclique comme phénomène dans l'histoire de l'humanité. Cela concerne diverses cultures et diverses religions. Il y a toujours eu des extrêmes.



Cette BD se compose de plusieurs récits émanant des personnes victimes, endeuillés ou témoins de l'attentat. Elle est réalisée par un collectif d'auteurs différents qui vont apporter leur pierre à cet édifice mémoriel pour ne jamais oublier ce qui s'est passé sur notre territoire nationale un quatorze juillet.



J'ai beaucoup aimé le récit de Séloua par Jeanne Puchol. Cette française d'origine maghrébine a perdu sa sœur Aldjia qui était également de confession musulmane. Elle a perdu la vie à cause de ces extrémistes qui bafoue cette religion.



On voit qu'elle a non seulement perdu sa sœur mais a du affronter le regard plutôt malsain de ceux qui lui ont fait porter la charge de cet attentat par des paroles très blessantes (c'est à cause de vous ! On ne veut pas vous voir ! C'est à cause de gens comme vous qu'on est dans cet état là!). Comme dit, il faut comprendre qu'il ne faut pas céder à la haine et aux amalgames malgré la douleur et la souffrance. Le terrorisme tue tout le monde, de toute confession sans faire de distinction.



Je pense que c'est une double douleur que d'être en qualité de victime apparenté à ces terroristes. D'ailleurs, le traitement de ce dossier que cela soit administratif ou à la morgue a été des plus déplorables pour la famille d'origine maghrébine. C'est ce qui m'a particulièrement marqué.



Ce que je retiens de ces différents témoignages, c'est la volonté d'aller de l'avant malgré les blessures et continuer à faire vivre ces défunts pour que ces morts puisse garder un sens dans un combat contre l'obscurantisme. Il y a certes encore beaucoup de chemin à parcourir mais cela va dans le bon sens. On ne peut qu'encourager ce type d'initiative via le support de la bande dessinée.

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La trahison du réel

La BD aura deux intérêts collatéraux : le premier est d’expliquer par son titre même ce qu’est une schizophrène et le deuxième de fournir en belle lapalissade page 441 (à savoir « Tous deux vieillis et diminués savent que leur vie d’avant est derrière »).



Ceci nous incitera, pour placer un oxymore (figure de style opposable à une lapalissade) à écrire que dans cet album le graphisme est lumineux, surtout lorsqu’il est question de l’univers de la nuit. Relevons également que l’auteure propose de belles reproductions "faites maison"

Il est question dans le récit en images que de la vie dans l’après-seconde guerre mondiale d’Unica Zürn, une artiste dont certaines œuvres renverraient quelque peu à des variations en couleurs et en forme du test de Rorschach qu’elle passa d’ailleurs peut-être au cours de ses internements.



Unica Zürn est née à Berlin en 1916 et morte à Paris à l’âge de soixante-et-un ans, notons qu’elle partagea une partie de sa vie avec Hans Bellmer connu pour avoir décoré le camp des Milles près d’Aix où il fut incarcéré durant la Seconde Guerre mondiale. Des pages documentaires sont présentées, en fin d’ouvrage ; elles permettent d’apprendre en particulier l’existence du Musée d’art et d’histoire de l’hôpital Sainte-Anne.

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Un héros de notre temps

Je n'ai pas les connaissances suffisantes pour placer Lermontov dans la littérature russe, et surtout voir l'importance de son personnage. Mais je peux le situer par rapport à la littérature européenne. Il est "de son temps", mais un peu anachronique aussi, entre le XIX ème romantique et le XVIII ème siècle libertin.

Petchorine ressemble en effet beaucoup à de nombreux personnages - et à de nombreux auteurs eux-mêmes - du romantisme. Ces auteurs souffrent du "mal du siècle", ils se considèrent comme nés trop tard, dans un monde où les armes semblent s'être tues. C'est la génération de Musset, Hugo, Vigny, Dumas... Leurs pères ont fait la guerre, leurs pères ont servi l'Empereur, mais, pour eux, seule la littérature peut être un moyen d'acquérir la gloire.

Ainsi, Petchorine peut sembler avoir des prétentions à l'écriture. Après tout, on lit son journal. Il le dit, il écrit pour lui, comme simple souvenir - mais il s'analyse beaucoup trop, il réfléchit trop à ses actes et à ses sentiments, pour n'écrire que pour lui. Petchorine pourrait se rêver poète. Petchorine manie ainsi l'ironie voire le cynisme de lord Byron, il se sent incapable d'aimer vraiment et multiplie les conquêtes comme Julien Sorel - tout en ayant une passion au coeur. Il séduit sans s'attacher, tel un comte de Valmont un peu anachronique. Il mène une carrière militaire, mais sans véritablement se battre ; en tout cas, il accorde plus d'importance au brillant de ses épaulettes, à la blancheur de son uniforme et au vernis de ses bottes qu'à ses entraînements et à ses armes.

Il pourrait sembler fat, et vite insupportable. Après tout, il est beau, riche, vaniteux et imbu de lui-même, persuadé que toutes les femmes sont folles de lui, ayant des prétentions de séduction et d'esprit. Il nous est d'ailleurs présenté en premier par un récit externe, par les mots de son ancien officier. Il apparaît alors très antipathique, froid, calculateur, individualiste. Il séduit une femme parce qu'il s'ennuie et la désire, mais que pour un temps.

En lisant son journal, avec une focalisation interne donc, il se révèle plus complexe. C'est un homme qui s'ennuie, qui ne vit pas par passion mais par curiosité. Il se révèle à nouveau comme un homme "de son temps", le romantisme, par ses voyages, aux du monde civilisé. Pour Byron, c'était la Grèce qui représentait déjà une forme d'exotisme. Pour un Russe du XIX ème siècle, c'est le Caucase, la Mer Noire et ses villes d'eaux. On sent que ce n'est pas tout à fait Saint-Pétersbourg et Moscou, mais un autre monde, moins civilisé - les modes ne sont pas les mêmes, les moeurs non plus. Ce sont les descriptions de ces sociétés et de ces peuples de marge que j'ai appréciées, même si trop rapides à mon goût. J'aurais aimé en savoir plus sur cet aveugle contrebandier, ou sur le mode de vie des Caucasiens.

Dommage finalement, la forme même de l'oeuvre, plusieurs chapitres comme plusieurs fragments de vie, ne permet pas de développer en profondeur les cadres des récits successifs.

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Promenade de la mémoire

Voici une BD qui m'a surpris. Je ne m'attendais pas à voir un tel ouvrage arriver.

Et c'est à l'initiative de l'association les militants des savoirs que cet ouvrage de mémoire est né.

Et il était fortement nécessaire qu'il voit le jour, d'une part pour un devoir de mémoire de ce jour triste, ne pas oublier les victimes de l'extrémisme religieux, d'autre part pour lutter contre les amalgames et le racisme naissant suite à ce type d'actions terroristes.

Et croyez-moi, les récits sont durs et poignants, vous ne ressortirez pas indemne d'une telle lecture.



Les scénarii de "Promenade de la mémoire "14 juillet"" :



Six témoignages tous plus touchant les uns des autres.

Un coup c'est un enfant perdu, un autre un parent, une sœur, ou alors c'est un pompier qui raconte son intervention, bref chaque récit de l'évènement, vécu de près ou de loin, vous fera vivre des émotions de tristesse, de colère, de désarroi etc...

Tous les récits sont frappants et montrent bien la difficulté psychologique de survivre à une telle horreur, et encore plus dans le cas de Seloua, qui au-delà d'avoir perdu une sœur (qui était aussi mère de famille) a fait l'objet de racisme eu égard à sa religion ou son origine ethnique.

Le désarroi de ce pompier face à la catastrophe est aussi touchant, sa frustration à ne pouvoir agir de toute l'ampleur qu'il aurait souhaité en regard de l'urgence, se sentir impuissant, se rappeler la fragilité de l'humain....

Aucun témoignage ne vous laissera de marbre, et chacun décrit plus ou moins comment il surmonte, ou pas, la douleur.



Ce livre est aussi accompagné d’une longue préface de Boris Cyrulnik, neuropsychiatre, ayant "vulgarisé" le concept de résilience (renaître de la souffrance).

Une superbe postface décrivant l'action de l'association les militants des savoirs à éditer cette bd, en dit long aussi sur l'état d'esprit des victimes.



Ce mémoire est donc bienvenu et absolument nécessaire afin d'inculquer les bonnes valeurs, ne pas oublier, et surtout ne pas se laisser abattre après un drame

Il appelle aussi à la vigilance, et à surtout ne pas se laisser convaincre par une hérésie religieuse ou un dogme extrémiste raciale.



Les dessins de "Promenade de la mémoire "14 juillet"" :



Six illustrateurs donc se succèdent pour dessiner ces témoignages.

Les dessins sont véritablement très variés d'un artiste à l'autre usant de toutes les techniques et styles possibles.

Allant d'un trait typique ligne claire à de véritables peintures, usant de belles couleurs saturées ou bien juste de formidables aplats de noirs, chaque empreinte graphique sert merveilleusement bien l'histoire associée.

Chaque dessinateur véhicule admirablement bien les émotions, et c'est intéressant de voir le même effet à chaque lecture de récit.

Ce ressenti de désarroi, de solitude, d'impuissance et de colère.

Je n'irai pas vous décrire le style de chacun des compositeurs, d'autant que de grands noms se sont prêtés à l'exercice et que leurs caractéristiques graphiques sont bien connues.

Pour ma part, j'ai beaucoup apprécié le travail très poétique et mélancolique d'Alexis Sentenac et l'originalité des tableaux de Céline Wagner, mais j'admire bien évidement le talent et l'investissement aussi des autres auteurs (Edmond Baudoin, Jeanne Puchol, Joël Alessandra et Alexis Robin)

En bref, le travail scénaristique et de mise en scène, découpage etc, est réalisé avec maestria.

Ce livre de commémoration ne vous laissera pas sans sentiments. Chacun les gèrera à sa manière car nous sommes tous concernés, de près comme de loin.

Cette BD invite à réfléchir fortement, à prendre du recul, et surtout incite à ne pas catégoriser à l'extrême par des étiquettes religieuses ou raciales.



C'est donc là un devoir que de posséder cet ouvrage !
Lien : https://www.7bd.fr/2020/03/p..
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La patience du grand singe

Ce n'est pas une préface qui ouvre cette bande dessinée, c'est un avant-propos où les deux auteurs expliquent leur démarche, leur rencontre, en résonance avec un précédent ouvrage. Ici, c'est Edmond Baudoin; qui n'a fait que "coller le personnage du père sur quelque chose qui était déjà dessiné." par Céline Wagner.

Ce quelque chose déjà dessiné c'est la banlieue d'une grande ville ou plutôt l'arrivée à ces villes passant par des centres commerciaux qui se ressemblent tous : les successions de panneaux publicitaires, les mêmes enseignes, les mêmes voies rectilignes et les mêmes mobiliers urbains. Et tout ce flot de voitures...

La bonne idée c'est que Céline Wagner dessinent des structures vides : les galeries commerçantes ne sont qu'enfilade de vitrines peuplées d'objets, d'affiches. A part un petit groupe de jeunes rigolards, ce sont des pantins qui poussent en foule des caddies. Les êtres humains sont curieusement absents, ou plutôt "on" ne les voit pas/plus. Etrange lieu peuplé d'animaux les vrais, les vivants comme ce vautour perché sur un panneau publicitaire, ou ces rats donnés en pâture au boa et les peluches, jouets de tissu dont on voit les coutures, enseignes représentants d'autres bêtes souriant presque aussi bêtement que ces femmes placardées.

C'est une petite fille qui va faire les courses avec son papa avant de rentrer à la maison. Et il n'y a que ces deux là de vivant pour de vrai dans cette histoire. C'est l'occasion de parler de la vie et de la mort, de la peinture et de ce besoin de créer , de peindre au coeur des humains depuis des milliers d'années. Et la petite se rebelle de voir le marchand donner un rat vivant à engloutir au boa mais pourtant, chacun doit se nourrir, vivre...et mourir. Son papa aussi et elle aussi sont l'un comme l'autre destinés à mourir mais il leur reste des dizaines d'années ; des années pour grandir avec des rêves plein la tête et elle s'imaginera chevauchant un dauphin, se demandant si...

Et le gorille dans tout ça ? Le gorille c'est aussi un grand singe, si semblable à l'homme. Un énorme gorille de plastique décore le centre commercial et le papa lui raconte une histoire d'un drôle de petit homme qui se logerait à l'intérieur. Vrai ? pas vrai ? Devenu grande elle ira vérifier. Vérifier ? La belle idée d'une présence intelligente habitant une énorme stature massive et scellée au sol, comme la flamme de la création au fond d'une caverne ?

Edmond Baudoin aime parler de cette douce relation entre un papa et sa petite fille, avec des mots légers, avec des dessins d'oiseaux et de grands espaces quant à Céline Wagner elle réussit à insuffler de la poésie dans ses dessins d'agglomérations périurbaines plus cité-dépensoirs que cité-dortoirs.

C'est un vrai bonheur de lecture cette bande dessinée, qui donne envie de revenir en arrière, en avant, pour détailler une planche, pour plonger dans le regard vide (vide ?) du grand singe, de ressentir et le piquant de la barbe de papa ou le soyeux lumineux des cheveux de l'enfant, ou le pelage épais d'un animal.

Décidément, ils se sont bien trouvé ces deux là !

Quand la Masse critique nous offre une plongée dans le rêve.
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Un héros de notre temps

UN HÉROS DE NOTRE TEMPS de MICHAÏL LERMONTOV.

Lermontov a eu une vie bien courte, 1814/1841, poète et romancier, officier de hussards, il porte sur le monde un regard distancié, ironique et il s’ennuie beaucoup. Les duels vont l’occuper et il finira par y laisser sa vie, tout comme Pouchkine dont il est contemporain, qui mourra en 1837 et pour lequel Lermontov écrira un poème célèbre qui lui vaudra d’être envoyé sur le front du Caucase. Et c’est justement sur ce front que l’on retrouve le héros de ce roman, Petchorine. Voyageant dans le Caucase pour rejoindre son régiment, le narrateur rencontre un capitaine qui va lui parler de Petchorine, de la façon dont il va tenter de séduire une Tcherkesse, Bella, puis, une fois marié, l’abandonnera. Dans la seconde partie du roman, c’est l’aspect psychologique de Petchorine que l’on découvre à travers son journal intime. Fin dramatique pour le héros qui, de façon prémonitoire peut être, périra très exactement comme Lermontov.

Écriture assez traditionnelle de cette époque mais aussi un des premiers romans psychologiques qui annoncent les Dostoïevski, Gontcharov et Tolstoï entre autres. Un autre intérêt de cette lecture est l’histoire en filigrane du Caucase et de ses républiques montagnardes, Tchétchénie, Ossètie, Ingouchie ou Daghestan dont on parle très régulièrement de nos jours. C’est la période pendant laquelle la Russie a voulu soumettre tous ces peuples caucasiens, histoire qui a perduré une cinquantaine d’années.

L’édition que j’ai eu la chance de lire, est illustrée de dessins de Jean Traynier. Superbe.
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Un héros de notre temps

Roman composé de plusieurs histoires autour du personnage de Petchorine, le héros "romantique?".

J'ai beaucoup aimé les premières parties, entre roman d'aventures et conte oriental se déroulant dans les montagnes caucasiennes. Chevaux, chevauchées, coutumes circassiennes ou tatares....montagnes enneigées qui me font rêver. Petchorine n'intervient que peu.

Puis il se dévoile, très antipathique, cynique, peu fidèle en amitié. Caricature?

La suite du roman se passez dans une ville d'eaux. Mondanités et ragots. Certes l'analyse psychologique a fait que ce roman soit qualifié de "premier roman psychologique russe". mais mondanités et ragots m'nnuient. Attitude cynique envers les femmes. La princesse sera-t-elle séduité? La vieille maîtresse regagnera-t-elle son amour? même lu au deuxième degré, celui de l'ironie ou de la satire, il n'a pas le carme du début et je me suis un peu ennuyée avec ce Byron (cité à plusieurs reprises) de garnison.
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Un héros de notre temps

Ce livre "un héros de notre temps" (Герой нашего времени) a la réputation d'être le premier roman psychologique russe. C'est le seul roman de fiction que son auteur, Lermontov, ait mené à son terme. Ecrit de 1837 à 1839, c'est un recueil de cinq nouvelles, dont chacune peut se lire de manière autonome. Trois narrateurs différents interviennent dont le dernier est le héros de l'histoire: Petchorine, (dont le nom est formé à partir du nom de deux rivières du nord de la Russie: l'Onéga et la Petchora); Petchorine est un officier en exil dans le Caucase, au moment où cette région s'embrase, tout comme Lermontov lui-même a été exilé dans le Caucase. Ce récit nous permet de découvrir toute une mosaïque de peuples décrits par un connaisseur.

Le thème qui revient au fil de ces nouvelles est celui de la prédestination, du destin inéluctable, qui accompagne chaque rencontre, chaque coïncidence, chaque action du héros. Un héros complexe, ambigu et dans la lignée romantique: sa cruauté et son cynisme vont de pair avec un grand courage et il peut être capable d'attendrissement et d'amour authentique. Lumière et ombre, Petchorine est un personnage très intéressant , dédoublé et tiraillé entre deux extrêmes. Un héros qui séduit mais pour assurer la domination de l'âme..

Un grand classique à découvrir et redécouvrir..
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Un héros de notre temps

A mon avis cette histoire dont le héros se nomme Petchorine est curieusement agencée. Elle est divisée en deux parties très différentes.

La seconde partie, qui dans la chronologie de l’histoire se situe juste avant la première, est la meilleure. Petchorine raconte dans son journal une histoire de rivalité et de séduction entre lui et une princesse, une mauvaise plaisanterie qui tourne au tragique. L’histoire se passe dans une station balnéaire du Caucase, dans le milieu clos et formel de l’aristocratie, avec des bals, des hypocrisies et un dénouement à la russe. Tout cela est passionnant à lire et typique de la littérature russe du dix-neuvième siècle, mais c’est surtout dans cette partie qu’on apprend à faire la connaissance de Petchorine, alors qu’il était resté énigmatique et plutôt inintéressant jusque-là. La perception qu’on avait de lui change complètement.

La première partie est plus originale, mais elle ne capte pas suffisamment l’attention. L’originalité c’est que le point de vue n’est pas le même, avec un narrateur qui raconte des épisodes de la vie de Petchorine, toujours dans le Caucase, postérieurs à la seconde partie. Il y a de quoi se demander pourquoi le narrateur est curieux de connaître ce personnage fat et brutal, qu’il ne fait que croiser à la fin, alors qu’il s’échappe encore plus loin de sa Russie natale, vers la Perse. L’ambiance est plus sauvage que la seconde partie, avec de très belles descriptions des paysages montagneux et le milieu social n’est pas celui de l’aristocratie mais des peuples du Caucase, bien moins civilisés.

L’épilogue, la morale de l’histoire, est très intéressante à lire sur la fatalité et la prédestination ; la roulette russe trouve-t-elle ses origines dans cet épilogue ? Associé au fait que Lermontov a voulu créer un personnage romantique atteint du « vague des passions », matérialiste et cynique, tout cela fait réfléchir quand il écrit à la fin de la préface que « la maladie est indiquée, mais comment la guérir ? Dieu seul le sait. » Non, c’est un excellent roman en fin de compte, et je pèse mes mots, il faut le lire si on aime la littérature russe, malgré tout je trouve la première partie superflue et bien inférieure à la seconde.
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Un héros de notre temps

En voyant la couverture de ce livre, je sens que les visiteurs réguliers de ce blog vont s'exclamer : « Quoi ! Encore une histoire de soldat ! Elle s'est entichée de l'armée ou quoi ? ». Malgré les apparences trompeuses, je ne savais absolument pas que ce livre parlait de la vie d'un soldat car je n'avais pas lu le résumé. Mon choix s'est basé sur deux éléments : le titre, un peu mystérieux et qui invite à la découverte ; et le fait que ce soit un auteur russe.

Et là, ce fut encore et une fois de plus une très belle découverte dans la littérature russe : loin de la vie de garnison monotone de Joseph Roth (cf. La marche de Radetzky), on suit un personnage atypique nommé Petchorin. C'est un être égoïste, désabusé et méprisant, qui parfois choisit volontairement la méchanceté et la cruauté : il n'hésite pas à enlever une jeune fille pour ensuite la délaisser une fois la passion éteinte ; il séduit une fille que courtise un de ses camarades pour le provoquer un duel ; il ignore ses anciens amis et se soucie peu de ce que les gens pensent de lui.

Je ne sais pas comment vous l'expliquer mais je l'ai apprécié : c'est vrai que dans ma description, je n'arrive pas à rendre le personnage en entier et pire, j'ai l'impression de le caricaturer. Mais il m'a plu, peut-être parce que son comportement atypique représente des morceaux de caractère de gens que je connais et que de ce fait, son attitude ne m'a pas choqué mais au contraire m'a paru très concrète. Il m'a plu aussi car il me rappelle les héros tortueux de Dostoïevski ainsi que l'Eugène Onéguine de Pouchkine.

On sent dans l'écriture de Lermontov les prémisses des chefs-d'oeuvre qui ont façonné la littérature russe du XIXème siècle. Ces descriptions sont magnifiques et rendent parfaitement l'ambiance du Caucase. Son style est riche, soutenu, avec des phrases poétiques mais il n'y a pas de longueurs, pas de mot en trop. Tout est à sa juste place et le rythme est agréable. Je n'ai pas mis le 4ème coeur car les remarques désobligeantes et condescendantes que le narrateur et Petchorin avaient envers les autochtones m'ont agacé. On sent encore la domination impérialiste et le mépris des peuples vaincus dans ces écrits.

Bref, je recommande ce livre exclusivement aux amoureux et familiers de la littérature russe ! Pour les débutants, essayez de commencer par quelque chose de plus doux et ensuite revenez vers Lermontov.
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Un héros de notre temps

Si moins connu que ses illustres pairs, Michel Lermontov, l’auteur du roman adapté par Céline Wagner, est un écrivain important de la littérature Russe. Dans ce Héros de notre temps, il nous présente Petchorine, un personnage cynique et désabusé, à mi chemin entre un Julien Sorel et un Vicomte de Valmont, dans une aventure romanesque et romantique où il va séduire par jeu et ennui une jeune princesse aimée par l’un de ses amis. Du décor aux protagonistes en passant par les thèmes, on retrouve dans ce récit à tiroir le souffle des écrits de Boulgakov ou de Dostoïevski. L’artiste, grâce à un dessin en noir et blanc dans un style épuré sur les visages et détaillé sur les décors, délicieusement faussement suranné, donne vie de la meilleure des façons à cette œuvre qu’il est fort agréable de (re)découvrir.

Et voici de quoi écouter avec: http://bobd.over-blog.com/2014/07/russie-romanesque-un-heros-de-notre-temps-vs-symphonie-concertante.html


Lien : http://bobd.over-blog.com/20..
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Un héros de notre temps

Que faire de soi et de sa vie quand tout ennuie à force d'être prévisible, jusqu'à nos propres sentiments, quand le bonheur est une chimère et qu'on n'est plus capable de passion, alors qu'on ne vit que de passions ?... Eh bien, on peut, par exemple, comme ce « héros de notre temps », Pétchorine, s'ingénier à abuser les passions des autres, travailler sans relâche à leur malheur, faire de soi un maître de la perversion qui bafoue l'amitié, qui brise le coeur des femmes et des jeunes femmes. On pourrait se retenir de faire le mal, mais on ne se retient pas et de cela on s'étonne, et on y pense, on y réfléchit, on creuse la question dans son journal intime. Quand la vie n'a plus de sens, blesser, détruire, est encore une manière de sens pour ce « héros » errant… la dernière passion possible.



L'intérêt de cet ouvrage, premier roman russe psychologique, réside dans les débats intérieurs chez Pétchorine, un dialogue avec lui-même causé par les sursauts du reste d'humanité qui subsiste chez lui malgré qu'il a vendu son âme au cynisme et à la cruauté morale. Ce dialogue fait apparaître dans la conscience du lecteur (doué de morale) que ne pas faire le mal n'est pas une passion supplémentaire, une passion qui, elle aussi, comme toute passion, peut s'éteindre : ne pas faire le mal est un choix moral ! Mais voilà, Pétchorine, lui, est un être de passion, un être presque totalement amoral. Et dans ce « presque » crépusculaire palpite le coeur égaré du livre.

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Un héros de notre temps

Grigori Petchorine, personnage principal du roman, est un jeune homme impudent, peut-être amoral. C’est surtout qu’il est tout à fait désillusionné et infiniment insatisfait de ce que la vie lui offre. C’est aussi un homme tourmenté par son passé, par d’anciennes erreurs d’amour qu’il ne regrette pas tant mais qui ne sortent pas de lui et l’envahissent tant qu’il les raconte au narrateur. Amours complexes, embrouillées, si sophistiquées qu’elles ne peuvent aboutir favorablement. Si tordues qu’elles le conduisent toujours à se saboter dangereusement.

Voilà là notre héros romantique, officier de l'armée russe, présenté en cinq parties décrivant chacune une étape différente de sa vie. La première partie est composée de trois expériences qu’il raconte lui-même au narrateur. La seconde partie est racontée par le narrateur et décrit une rencontre ultérieure avec Petchorine. Cette partie montre la chute finale de Petchorine alors qu'il est impliqué dans une conspiration contre le gouvernement.

Le roman, ainsi découpé, explore non seulement l’amour mais aussi la solitude, la mort et la trahison, le tout de manière sombre ou plutôt extrêmement acerbe - ou bien réaliste, lucide- et dépeint la société russe de l’époque avec sarcasme et causticité.

Petchorine, personnage aussi complexe que fascinant parce que puissant et impétueux, évolue dans cette Russie pourrie de corruption et ébranlée par les inégalités sociales. Est-il immoral ? Et sur quels critères ? Est-ce qu’un jeune homme considéré comme incompétent à s’adapter dans une société faite de conventions bêtes n’est pas plutôt un homme pur, un intègre, un vrai ? Une vie immorale est peut-être la seule existence digne lorsque l’on n’a vu dans la morale commune qu’une suite de codes absurdes et infondés. Non, Petchorine est bien un héros, car il lui coûte probablement plus de suivre ses propres penchants et sa propre nature que d’obéir à des règles établies, de se conformer, de se bien marier et d’accumuler quelque richesse. Ces plats projets sont réservés aux esprits trop simples, aux fades, aux frileux et aux bourgeois. Est-il inutile ? Assurément, dans une société ainsi faite. Cependant le sentiment de se « sentir utile » n’est-il pas lui aussi un leurre, une façon de se justifier dès lors que l’on n’a rien accompli de grand pour soi-même. Petchorine, au fond, n’est pas tant ce paresseux fougueux et irresponsable, pas plus que tous les autres qui se conforment. Il a eu l’audace au moins, il a pris le risque de vivre quand ses « semblables » répètent à l’infini la même existence depuis des générations : études, carrière, mariage, profits, confort. Finalement il est bien moins frivole et oisif qu’eux tous. Qu’est-ce que le mariage noble sinon une frivolité admise, qu’est-ce que le sentiment sinon une façon de se désennuyer ?

Il possède également cette rare qualité qui est la pure franchise. N’importe ses erreurs, ses failles, il les raconte. Voilà là un homme qui a finalement peu à se reprocher. Ceux qui ont beaucoup de torts inavoués se vantent et se montrent vertueux et bons. Ou confessent stupidement de petites idioties sans importance afin de se montrer droits. Souvent ils s’en convainquent, même.

C’est aussi un homme intelligent. Aurait-il pu utiliser cette intelligence et la mettre à profit d’une vie bien plus commode ? Non. Utiliser le système jusqu’à son paroxysme et en tirer tous les bénéfices jusqu’à s’y perdre est environ un défaut d’intelligence, du moins une déchéance. Quelle différence, au fond, entre l’homme intelligent qui agit comme un sot et le sot de naissance ? Plus aucune après quelques temps, ou si peu. Petchorine est plus haut, il survole et écrase ses semblables en ne leur ressemblant pas. Il manipule les gens parce qu’ils sont manipulables et parce qu’ils ne lui sont rien. Aurait-il tort de s’en priver ? Devrait-on s’anoblir de bonté et d’éternelle condescendance jusqu’à se mettre à leur niveau ? Lui embobine les femmes qui lui plaisent, se joue d’elle (d’une certaine manière seulement, car enfin lorsqu’il est passionné il est sincère) et puis se lasse. Qui ne se lasse pas de l’amour ? On aime un temps et on desaime, voilà un élan de vie, une vitalité intègre. On se divertit d’amour et puis l’objet d’amour devient quelconque. Et après ? On quitte logiquement, quand on n’a aucune attache matérielle et aucun engagement formel. D’ailleurs, Maxime, le romantique, le sentimental, celui qui se vautre dans des simulacres d’amour, meurt en duel. Voilà l’absurdité de l’amour fantasmé : il tue l’individu. Bela aussi meurt. Et après ? Ne faut-il pas être une femme stupide pour se morfondre d’amour ? Elle meurt d’avoir été abandonnée par lui et Petchorine repart en quête. Quête incessante et toujours insatisfaite au demeurant. Il n’a qu’une seule passion : sa liberté. Cependant il est tenté un temps de chercher le bonheur. Seulement un homme comme lui ne peut être heureux. Il sait que tout est faux, que les sentiments ne durent pas, qu’ils sont conventions et jeux. Il sait que les mots d’amour mentent. Il a vingt ans et il en a cent. Il a du moins l’âge du grand mépris, pour tout le monde et finalement pour sa propre existence. Petchorine n’est pas mauvais, il est sans doute le seul bon dans une société tout à fait corrompue et stupide.

Notre héros est finalement tué lors d'une bataille dans les montagnes du Caucase. N’importe, il méprise finalement aussi sa propre vie. Rien n’est grave. On ne tient à la vie que parce qu’on est lâche ou parce que l’on est lié à des individus, ce qui revient au même.

Le style de Lermontov est admirable, poétique, gracieux. Il frappe par son implacable franchise, par une sorte de réalisme poussé à son paroxysme. Son héros est si « vrai » qu’il parait faux. Est-ce si crédible qu’un homme n’éprouve pas plus de scrupules et méprise aussi ouvertement son prochain ? C’est un style lourd, aussi. Les mots portent une telle violence, un si beau et sain mépris du monde, une si grande désillusion que le tout est puissant, exaltant, enlevé et finalement magnifiquement austère. Lermontov est avant tout un poète, un véritable poète, de veux qui, laborieux, élisent leur mots et frappent fort en peu de termes précis. Travail que l’on retrouve même dans sa prose.
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Zeste

Cette histoire d'amour qui finit mal comme un zeste de citron ne m'a pas trop séduit. Je pense que la qualité narrative est au rendez-vous. Cependant, j'ai eu l'impression de lire un long monologue s'apparentant à une oeuvre littéraire plutôt que de ressentir cela en image et donc sur le support de la bande dessinée.



Par ailleurs, les histoires de drogue et de déchéance humaine ne m'intéressent pas des masses. C'est un milieu trop glauque pour susciter mon intérêt. C'est comme ça. Je fais un blocage...



Le monologue qui va durer tout de même 64 pages semble totalement déconnecté des images où on a droit à une expérimentation graphique digne des visions lorsque l'on est shooté. J'ai entrevu vaguement que le couple s'était refugié dans un hôtel où il casse la tuyauterie du lavabo. Les pompiers interviennent ainsi que le directeur de l'hôtel qui apparait comme un vampire. On ne se remet jamais en question. C'est toujours la faute des autres.



Non, j'ai pas été touché par ce récit au point de ne pas savoir aujourd'hui où il voulait en venir. J'ai compris qu'il y avait comme une déformation de la réalité. Cependant, cette torture morale ne fait pas de bien même pour le lecteur qui réussirait à déchiffrer le message voulu par l'auteur.
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