César M. Lorenzo

Critique parue en mai 2007 dans le Monde Diplomatique signée Christophe Patillon : -Cette édition très augmentée et remaniée d'un livre publié en 1969 s'attache à analyser les relations des anarchistes ibériques avec le politique . Même si son travail couvre une large période , la partie la plus importante , intéressante et polémique porte évidement sur les années 1936-1939 , qui virent des anarchistes devenir les ministres d'une République en sursis .

Fils d'un des leaders de la CNT ( Horacio Prieto ) , César M. Lorenzo défend une thèse iconoclaste : la nécessité pour l'anarchisme social d'accepter le jeu politique en pleine conscience et non de le subir , d’imaginer en quelque sorte ce que pourrait être une " période de transition " libertaire . Car ce qu'il reproche aux anarchistes espagnols de l'époque , c'est leur atermoiements , leur naïveté , leur incapacité à imposer sur le terrain de la politique partisane leur puissance numérique , leur créativité ( les expériences autogestionnaires ouvrières et paysannes ) et leur autorité morale sur le prolétariat , notamment catalan .

Travail sourcé, nuancé et de qualité, César M. Lorenzo offre, à tous ceux que la guerre civile espagnole intéresse (d'un point de vue "politique", comme son titre l'indique : Les anarchistes espagnols et le pouvoir ; pour une plongée sur le champ de bataille, je conseillerais Hommage à la Catalogne d'Orwell), à tous ceux-là donc, Lorenzo offre un compte rendu méticuleux des raisons qui menèrent à la guerre civile, qui entretinrent la guerre civile et qui y mirent fin avec, pour grand gagnant, Franco...

Ce que je retiendrai de cette lecture, non sans un sentiment d'injustice tenace, c'est que la victoire du fascisme a, en partie, été rendue possible par "l'inaction" (entre guillemets, car s'ils ne sont pas intervenus en tant qu'États, ils ont poussé leurs entreprises sur place à noyauter les mouvements révolutionnaires, entre autres choses...) des pays qui se disaient démocrates comme la France et l'Angleterre, ou les USA dont un certain Ford livra (l'info n'est pas tirée du livre lui-même, mais d'un superbe reportage disponible sur youtube) du matériel au dictateur en devenir. Et nos démocraties actuelles (autoritaire, l'état des choses en France le prouve plus que jamais) sont les descendantes directes de celles qui ont permis l'émergence (ce n'est plus un secret aujourd'hui) du fascisme en Italie comme du nazisme en Allemagne, mais (et c'est moins connu) de la mise en place et du maintien du franquisme en Espagne.