Borchat venait justement de sortir, ce jour-là, de chez Fanchette Centlivres ; et il rentrait chez lui par le chemin du bas (l'autre traverse le village). Il n'était pas dans de très bonnes dispositions : il marchait lentement les mains dans les poches ; on doit dire qu'il faisait triste, ce jour-là, qui était un jour de la fin de l'hiver. Borchat avait fini par s'asseoir au bord du chemin sur un tronc de noyer récemment abattu : c'est que Borchat n'était pas pressé (et Borchat n'est jamais pressé) ; et puis il retournait sans fin ses mêmes vieilles idées dans sa tête, continuant à la hocher : Borchat, Daniel-Jean-Etienne, ancien soldat, 42 ans. " Elle n'a plus de dents, mais moi non plus.
(C.-F. RAMUZ, "La guerre aux papiers", 1942, chapitre I -- incipit)