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Citation de enkidu_


Si le judaïsme prêche le respect de la Torah et les commentaires du Talmud, Jacob Frank ordonne de fouler aux pieds le Talmud et de comprendre la Torah à l’envers ; si le judaïsme implique des Mitsvot positives et négatives, Jacob Frank prêche de les pratiquer en sens inverse. Le but est de prendre conscience du péché qui te ramènera vers le Bien, si le judaïsme prêche de craindre Dieu, Jacob Frank prêche de défier Dieu et d’approcher le Mal. Nous sommes ici dans l’idée fondamentale du sabbataïsme, à savoir que si Jacob Frank est la réincarnation de Sabbataï Tsvi et donc le nouveau Messie, la Loi juive est à son aboutissement et que la finalité en est la transgression pure et simple, et que la Rédemption est rendue possible non pas grâce au Bien, mais grâce au péché. La Rédemption par le péché. Le péché devient dès lors un devoir, tout comme la descente dans l’abîme, une nécessité.

Comme je l’ai dit, l’éternel adage kabbalistique poussé à l’extrême, prône que, pour monter au ciel, il faut avant tout descendre bien bas, et le frankisme innove en précisant que le « bien bas » n’est autre que le Mal ou le péché condamné par la Loi, comme le proclame Jacob Frank :

« La voie conduit à l’abîme, et chacun doit avoir un cœur de lion et ne pas craindre car je marcherai en tête. Et tel que je me tiens devant vous, ignorant et grossier, j’ai été choisi car je suis l’obscurité hors de laquelle émerge la lumière ! Il a été dit « Une étoile sortit de Jacob » Cette étoile a existé depuis le premier commencement et, depuis, n’a cessé de tomber de plus en plus bas. Toutes les choses viles et odieuses sont en son pouvoir, et c’est la porte par laquelle je vous conduirai. »

Ceci n’est cependant pas nouveau. Moïse Cordovero dans son Jardin des Grenades, ou Isaac Louria dans Emek Hamelech, enseignaient qu’à la fin des temps, Samaël, l’archange du poison et de la mort, retrouverait son nom bénéfique et sa pureté première, tout comme Lilith, les deux étant les pendants maléfiques d’Adam et Eve. Jacob Frank, à la suite de Sabbattaï Tsvi, qui proclamait la restauration du Royaume d’Ismaël, injustement chassé par Sarah, proclamera que le vrai successeur d’Abraham et de Sarah est Ismaël fils d’Agar l’égyptienne et non Isaac. Dans cette logique mystique, la Torah se lirait à l’envers : les bannis, les perdants, Égyptiens, Grecs, Perses, ou autres, seraient les vrais successeurs et auraient droit à la Rédemption. Melchitzedek, Ismaël, et Esaü, respectivement, le Roi de la Justice, Ismaël, symbole de l’islam, et Esaü symbolisant Rome et l’Église, devraient récupérer leur droit d’aînesse. Droit d’aînesse d’autant plus important que les sabbataïstes croyaient fermement qu’Abimelek (« le père est roi ») était le véritable père d’Isaac. En effet, les sabbataïstes considèrent qu’Abimelek aurait honoré Sarah, lorsqu’Abraham la lui confia une nuit, en prétextant qu’elle était sa sœur. Isaac ne serait donc pas le fils d’Abraham. Son unique fils serait Ismaël. Isaac serait donc intronisé seulement parce qu’il est le fils de Sarah.

Au travers de cette contestation, les sabbataïstes veulent restaurer le royaume terrestre d’Ismaël, fils d’Abraham (le père des Peuples) et d’Agar et préparer le royaume céleste d’Isaac, fils d’Abimelek (le père des Rois) et de Sarah. Vu sous cet angle, nous comprenons la clandestinité volontaire des sabbataïstes au sein de l’islam. (pp. 52-53)
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