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3/5 (sur 4 notes)

Biographie :

Charles Novak ancien élève à l’EHESS, a vécu en Allemagne et a consacré plus de dix ans de recherche pour écrire "Jacob Frank, Le faux messie: Déviance de la Kabbale ou théorie du complot" ( 2012).

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Citations et extraits (6) Ajouter une citation
La recherche mérite d’être approfondie et n’est pas sans rappeler le phénomène des conversions des chrétiens et des juifs, dans l’Empire ottoman, à l’époque de Sabbataï Tsvi : pendant qu’un frère devenait musulman, l’autre restait chrétien ou juif. Les deux frères entretenaient des relations familiales ou l’un, de par sa nouvelle autorité et sa nouvelle ascension sociale de converti, protégeait l’autre et sa famille, restés dans l’ancienne religion. Au point de créer de nouvelles formes de mystiques qui se retrouvaient dans les confréries janissaires, derviches, ou bektaschis. Le succès de cette division des familles avait poussé l’Empire ottoman à pratiquer l’impôt sur l’enfant « le dversime », l’historiographie serbe en parle longuement, mais elle est représentative de toutes les minorités balkaniques qui ont subi l’occupation ottomane et le kidnapping d’enfants.

Fait méconnu, mais Napoléon, en créant la Légion étrangère s’est inspiré du système des janissaires mis en place par les Ottomans, qui rappelons-le sont pour leur grande majorité des convertis, y compris les sultans qui étaient par leur mère, des enfants de convertis. Sabbattaï Tsvi, à la fin de ses jours, connaissait très bien les rites bektaschis et ces derniers entretenaient des relations privilégiées avec les dönmeh (encore aujourd’hui). Le courant bektaschi regroupait justement en son sein des descendants de chrétiens ou Juifs convertis à l’islam. Certains ont supposé récemment que Kemal Atatürk était bektaschi par son père et dönmeh par sa mère. Sans exagérer, on peut dire que le bektaschisme est un syncrétisme des religions monothéistes, celui-ci par sa hiérarchie est tout à fait comparable aux loges maçonniques. (pp. 76-77)
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Si le judaïsme prêche le respect de la Torah et les commentaires du Talmud, Jacob Frank ordonne de fouler aux pieds le Talmud et de comprendre la Torah à l’envers ; si le judaïsme implique des Mitsvot positives et négatives, Jacob Frank prêche de les pratiquer en sens inverse. Le but est de prendre conscience du péché qui te ramènera vers le Bien, si le judaïsme prêche de craindre Dieu, Jacob Frank prêche de défier Dieu et d’approcher le Mal. Nous sommes ici dans l’idée fondamentale du sabbataïsme, à savoir que si Jacob Frank est la réincarnation de Sabbataï Tsvi et donc le nouveau Messie, la Loi juive est à son aboutissement et que la finalité en est la transgression pure et simple, et que la Rédemption est rendue possible non pas grâce au Bien, mais grâce au péché. La Rédemption par le péché. Le péché devient dès lors un devoir, tout comme la descente dans l’abîme, une nécessité.

Comme je l’ai dit, l’éternel adage kabbalistique poussé à l’extrême, prône que, pour monter au ciel, il faut avant tout descendre bien bas, et le frankisme innove en précisant que le « bien bas » n’est autre que le Mal ou le péché condamné par la Loi, comme le proclame Jacob Frank :

« La voie conduit à l’abîme, et chacun doit avoir un cœur de lion et ne pas craindre car je marcherai en tête. Et tel que je me tiens devant vous, ignorant et grossier, j’ai été choisi car je suis l’obscurité hors de laquelle émerge la lumière ! Il a été dit « Une étoile sortit de Jacob » Cette étoile a existé depuis le premier commencement et, depuis, n’a cessé de tomber de plus en plus bas. Toutes les choses viles et odieuses sont en son pouvoir, et c’est la porte par laquelle je vous conduirai. »

Ceci n’est cependant pas nouveau. Moïse Cordovero dans son Jardin des Grenades, ou Isaac Louria dans Emek Hamelech, enseignaient qu’à la fin des temps, Samaël, l’archange du poison et de la mort, retrouverait son nom bénéfique et sa pureté première, tout comme Lilith, les deux étant les pendants maléfiques d’Adam et Eve. Jacob Frank, à la suite de Sabbattaï Tsvi, qui proclamait la restauration du Royaume d’Ismaël, injustement chassé par Sarah, proclamera que le vrai successeur d’Abraham et de Sarah est Ismaël fils d’Agar l’égyptienne et non Isaac. Dans cette logique mystique, la Torah se lirait à l’envers : les bannis, les perdants, Égyptiens, Grecs, Perses, ou autres, seraient les vrais successeurs et auraient droit à la Rédemption. Melchitzedek, Ismaël, et Esaü, respectivement, le Roi de la Justice, Ismaël, symbole de l’islam, et Esaü symbolisant Rome et l’Église, devraient récupérer leur droit d’aînesse. Droit d’aînesse d’autant plus important que les sabbataïstes croyaient fermement qu’Abimelek (« le père est roi ») était le véritable père d’Isaac. En effet, les sabbataïstes considèrent qu’Abimelek aurait honoré Sarah, lorsqu’Abraham la lui confia une nuit, en prétextant qu’elle était sa sœur. Isaac ne serait donc pas le fils d’Abraham. Son unique fils serait Ismaël. Isaac serait donc intronisé seulement parce qu’il est le fils de Sarah.

Au travers de cette contestation, les sabbataïstes veulent restaurer le royaume terrestre d’Ismaël, fils d’Abraham (le père des Peuples) et d’Agar et préparer le royaume céleste d’Isaac, fils d’Abimelek (le père des Rois) et de Sarah. Vu sous cet angle, nous comprenons la clandestinité volontaire des sabbataïstes au sein de l’islam. (pp. 52-53)
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…on voit que la famille de Hesse – et son mysticisme – furent très présents – à la cour de Russie et du Danemark, d’ailleurs Copenhague fut le siège de l’Ordre des Frères de Saint-Jean avant d’être déplacé dans les pays baltes. La fonction mystique de la famille de Hesse ne s’arrête pas là, puisqu’un Alexandre de Hesse épousa Julie Hauke, dame d’honneur de la Tsarine, fille du converti frankiste comte Hauke. Cette famille prit le nom de Battenberg. Issu d’une famille de cinq enfants, le fils aîné préféré épousa une cantatrice Johanna Loisinger, après avoir fait une demande - refusée – à Victoria de Prusse, fille du Kronprinz et petite-fille de l’impératrice Victoria. Les Prussiens ne voyaient pas d’un bon oeil l’union entre un Junker et un aristocrate d’origine juive et frankiste. Cette descendance pris le nom de famille von Hartenau avec le titre de comte. Un autre fils épousa la duchesse Anne du Monténégro, ce qui fit rentrer à nouveau la famille de Hesse à la cour des Tsars de Russie, puisque deux princesses monténégrines avaient épousé des Romanov. Ses deux autres fils firent en revanche des mariages exceptionnels et librement consentis, approuvés par l’impératrice Victoria de Grande-Bretagne, puisque l’un, Louis, épousa Victoria de Hesse également petite-fille de Victoria et l’autre épousa la dernière fille de Victoria, Béatrice de Grande-Bretagne. Une des filles de ce couple épousa le roi d’Espagne. Quant à Louis de Battenberg et sa descendance, il reçut le titre de marquis de Milford Haven en 1914, ses enfants anglicisèrent leur nom en Mountbatten (Mount = Berg, Batten = Watten, - en hébreu, le Beth peut se prononcer « be » ou « ve » - soit l’équivalent Wattenberg, lieu d’origine en Allemagne) et un descendant devint le dernier vice-roi des Indes et épousa la petite-fille du riche banquier sir Ernest Cassel, ramenant ainsi la famille Mountbatten vers ses origines juives tandis qu’une autre épousa le prince André de Grèce, et eut pour enfant le duc d’Édimbourg, le mari d’Elisabeth II. Enfin, il convient de préciser que l’actuel duc d’Anjou, prétendant au trône de France, descend également de la famille Hesse-Battenberg-Mountbatten.

Nous ne pouvons que rester admiratifs de l’union entre la famille de Hesse et des descendants frankistes, et dans ce sens, nous comprenons mieux la « légende » des origines juives - et frankistes – de la famille royale de Grande-Bretagne. Ce parcours mériterait de plus amples recherches. (p. 130)
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La précipitation du chaos, nous la devons à la Kabbale d’Isaac Louria Askhenazi d’origine allemande, né en Eretz (terre) Israël, puis installé enfant en Égypte, pour s’installer à Safed en Eretz, ville où il enseigna oralement la Kabbale. Le concept principal est la notion de Tikkun. À savoir, que la Rédemption passe par le péché, par le chaos. Tikkun signifie littéralement « réparation ». Cette réparation doit survenir après la coupure, Schevirah, du Tsimtsoum, qui est la contraction de l’univers et du monde. Le Talmud, traité Sanhédrin chapitre 11, détaille les temps futurs messianiques où ne règneront que chaos, perversion et destruction d’Edom, soit Rome. Par rapport à la Kabbale lourianique, le sabbataïsme innove car, pour lui, l’homme, pour faire venir le Messie plus rapidement, peut provoquer lui-même le chaos et la désolation : « Ce n’est plus une attente mais une provocation des événements futurs qui va à l’encontre du dessein divin ».

Le frankisme s’inscrit donc dans un contexte plus large, à savoir celui du sabbataïsme, hérésie juive officialisée par Sabbataï Tsvi, dans l’Empire ottoman, née un siècle plus tôt, qui trouve sa concrétisation en 1666, lorsque Sabbataï Tsvi se convertit à l’islam (soit quatre-vingt-treize ans avant la conversion de Frank). Le sabbataïsme toucha très vite l’Europe et s’implanta dans les communautés juives d’Allemagne, d’Autriche, de Pologne, de Russie, et de Bohême-Moravie. Si les adeptes sépharades de Sabbataï Tsvi (dans leur grande majorité) se convertirent à l’islam comme leur maître, ils pratiquèrent en secret un judaïsme transgressif et orgiaque et fondèrent la secte des dönmeh, divisée en différents sous-groupes.
(…)
Jacob Frank perpétue ce sabbataïsme en se proclamant le nouveau Messie, successeur et réincarnation de Sabbataï Tsvi, mort en Albanie et enterré au Monténégro à XXXX, ville à majorité albanaise musulmane.

Tout comme Sabbataï Tsvi, Jacob Frank rentre dans des États de transe et, dans ses visions, déclare lui aussi que la Torah et ses lois (les Mitsvot) sont un joug pour le peuple juif et que le judaïsme doit être abandonné au profit de tous les interdits, ce que lui, Messie, ordonne. Ainsi, si le judaïsme prêche la virginité, la fidélité, et l’amour, Sabbataï et ses successeurs comme Jacob Frank prêchent, pour les jeunes filles, le sexe dès le plus jeune âge, les orgies sexuelles pour les jeunes garçons et l’échange de femmes pendant Shabbat. Au point que certains enfants frankistes ne connaissent pas leur vrai père biologique. Jacob et ses adeptes seront surpris en plein Shabbat orgiaque, en janvier 1756, dans la ville de Landskron et seront, à la demande des rabbins, expulsés de la ville pour orgie. Une femme se tenait au milieu, nue, pendant que les adeptes masculins chantaient la prière juive schabbatique : Lekhu doidi likrass kalo. Puis, ils se précipitaient sur elle, transformant le rituel en orgie collective.

Les rites sexuels frankistes, par la suite, consistaient en chansons, danses extatiques, mêlant hommes et femmes. Frank s’agenouillait et fixait deux chandelles allumées à un banc de bois, enfonçait entre celles-ci un clou et brandissait la croix dans toutes les directions, s’exclamant : Forsa damus para vert, seibuml grandi asserverti (judéo-espagnol), Donne-nous la force de te voir, le grand bonheur de te servir.

Les lumières étaient ensuite éteintes, les hommes et les femmes se dévêtaient et l’orgie collective commençait, la nudité devant rappeler Adam et Eve avant la chute. Frank, quant à lui, ne participait pas. Il restait au milieu, dans une contemplation mystique. (pp. 47-50)
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