L’ouvrage divin est de toutes parts entouré et contenu par Dieu comme par une circonférence ou une sphère infinie, de sorte qu’il ne peut ni se trouver à l’extérieur, ni être prélevé sur l’être de Dieu, ni échapper à l’orbe divine ; il est en effet, on l’a dit, environné par Dieu, stabilisé par lui, porté par lui. Il est placé et repose en sa source et se tient dans le jaillissement dont il est issu. Jamais il ne s’écarte de son principe ; Dieu est sa terre natale, sa véritable demeure, son bienheureux séjour, apportant sauvegarde, pérennité et faveur.
Il est clair à partir de là que Dieu aurait pu créer une infinité des mondes. Il est capable en effet d’autant de mondes qu’il y a de centres, de points, de milieux dans la sphère infinie, dont – on l’a dit – le centre est partout et la circonférence nulle part. Pourtant, dans la sphère infinie, les centres et milieux sont innombrables et infinis en acte. En vérité, tout point de la sphère infinie en est le milieu et le centre ; Dieu est donc capable d’une infinité de mondes. L’ouvrage divin tout entier en effet est en regard de Dieu comme un point infime, milieu et centre de la sphère infinie de Dieu. Et de même que les centres de toute la sphère infinie ne peuvent être dénombrés, de même sont innombrables les mondes qui peuvent être créés par Dieu, trouver en lui leur recette et leur subsistance. Nul monde, en quelque nombre qu’ils soient créés, ne saurait venir à bout de toute la substance divine, ni la couvrir, ni la remplir. (pp. 105-106)
Si Dieu est un être et la créature aussi, Dieu est un être infini, la créature un être fini. Dieu est un être innombrable et au-dessus de tout nombre ; la créature en revanche est un être nombrable, soumis au nombre et à la mesure. L’être de la créature est sans proportion avec l’être de Dieu, sans réalité devant lui. De même toute la masse de la terre comparée au ciel, est au dire des astrologues un rien et un atome. Semblablement tout angle aigu s’anéantit en regard du plus aigu, tout angle obtus en regard du plus obtus. L’ange aussi est presqu’un non être et un rien face à Dieu, l’homme un rien et un néant en regard de Dieu. Non-être et néant la matière face à Dieu, toute créature en regard de Dieu un néant, sans réalité ni existence. (pp. 89-90)