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Critiques de Charles de Saint-Évremont (3)
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Ecrits philosophiques

Saint-Evremond, c'est d'abord une superbe prose aphoristique, élégante et nerveuse qui, à l'image de son auteur, sait aller à l'essentiel, mais aussi user du sarcasme et du trait d'esprit. Une façon d'être au monde, dans la lignée de Montaigne, sur le ton de la conversation (Saint-Evremond incarne l'art si français de la conversation autrement dit l'art de plaire pour imposer sa pensée).

Désinvolte, Saint-Evremond n'a pas eu grand souci de son oeuvre puisque, pour ce moraliste de la seconde moitié du 17ème siècle, vivre semblait plus primordial que philosopher. Ses écrits brefs très nombreux et diversifiés ont circulé de façon manuscrite, puisqu'aucun ne fut publié de son vivant.

Sa pensée présente cependant une grande cohérence. Il s'en dégage une réflexion morale assortie d'une pensée littéraire, musicale, métaphysique, politique et historique, souvent psychologisante.

Saint-Evremond est un libertin érudit, à la fois homme de plume et d'épée, duelliste doué (il existe une botte Saint-Evremond), militaire, écrivain, philosophe, moraliste, historien, mondain, diplomate, musicien… Noble et haut fonctionnaire, il respectera les exigences de ses fonctions et de sa classe. Saint-Evremond est en fait un penseur de la nouvelle aristocratie, celle de la synthèse des savoirs humanistes des collèges et de la formation traditionnelle académique. D'ailleurs, s'il prend part à la querelle des Anciens contre les Modernes, c'est avec la volonté d'arbitrer, espérant que de ce débat émanent une émulation et une émancipation intellectuelles.





La philosophie de Saint-Evremond fixe un idéal, celui de l'honnête homme – déjà initié à la renaissance italienne, ou prime l'importance du "bon jugement" et du bon sens. Homme de méditation et de réflexion, éloigné de tout esprit d'école, admirateur de Montaigne et de Cervantes, il n'hésite pas à s'affranchir d'un humanisme trop académique des cercles intellectuels de son époque. Il théorise une morale noble de l'honnêteté mondaine niant toute obéissance servile, mais propose également de tendre vers la construction d'un homme épris d'autonomie intellectuelle qui doit mettre à l'épreuve les artifices du religieux.

Initiateur de la philosophie moraliste, théoricien consensuel, précurseur des Lumières et catholique fidéiste, Saint-Evremond, parfois sceptique, adopte une position très subtile du juste milieu entre les certitudes de la raison et les vérités de la foi, avançant l'idée d'une religion tolérante et raisonnable. "La vraie dévotion est raisonnable et bienfaisante : plus elle nous attache à Dieu, plus elle nous porte à bien vivre avec les hommes ». Cependant, sa philosophie amorce cette question : Dieu est-il cause extérieure ou intérieure au monde ? (et Spinoza qu'il a rencontré à la Haye répondra de manière panthéiste). Au fond, sa philosophie pose les jalons de la question de la religion naturelle qui prendra corps au 18ème siècle.





A la recherche d'une éthique alternative à la morale chrétienne (sainteté), sa proposition morale, incarnée, est une éthique aristocrate immanente, basée sur une culture classique. Epicurienne, cette morale est plaisir de soi-même et du monde ; plaisir mesuré mais diversifié, fruit d'un juste équilibre, "Le mot de Volupté me rappelle Épicure ; et je confesse que, de toutes les opinions des philosophes, touchant le souverain bien, il n'y en a point qui me paraisse si raisonnable que la sienne". Saint-Evremond repense Epicure à l'aune de son siècle : exigence avec soi-même et tolérance avec autrui, cette sagesse menant selon lui à une tranquillité d'esprit. "A juger sainement les choses, la sagesse consiste plus à nous faire vivre tranquillement qu'à nous faire mourir avec constance".





Et puis surtout, je concède à Saint-Evremond un panache certain quand il pense : philosopher et y prendre du plaisir, de la volupté intellectuelle même. Et ceci fut propre aux libertins érudits d'un 17ème siècle non contaminé par la rigueur de l'énoncé à la manière kantienne, d'une pure aridité logique et qui normera la façon d'écrire en philosophe sérieux pour les siècles suivants. "A quatre-vingt-huit ans, je mange des huîtres tous les matins ; je dîne bien ; je ne soupe pas mal : on fait des héros pour un moindre mérite que le mien". … Décidément, j'aime follement ce grand petit mondain.
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La comédie des Académistes. Les Académiciens.

Une pièce si on peut dire, car ce texte n’a jamais été joué. La première édition de l’oeuvre paraît en 1650, de façon anonyme et clandestine. Le texte aurait été écrit vers 1638, certains détails historiques le montrent.



Il s’agit d’une satire, une charge contre l’Académie, ou tout au moins certains de ses membres. Dans une suite de saynètes, certains académiciens sont caricaturés. Leur vanité, et leur manque de talent est mis en évidence, le désir de légiférer sur la langue, de déclarer certains mots caduques et à bannir ridiculisé.



La plupart de ces personnages moqués ne sont plus vraiment connus. Si le souvenir de certains, comme de Chapelain, n’a pas complètement disparu, c’est en tant que théoricien, prescripteur, qui a participé à modeler le théâtre de l’époque, et pas en tant qu’auteur dont le talent aurait permis à l’oeuvre de continuer à toucher le lecteur d’aujourd’hui. Etrangement, ceux qui s’en tirent le mieux dans la pièce, sont ceux dont la mémoire des écrits reste, comme Saint-Amand ou Tristant l’Hermite. Comme si Saint-Evremond avait eu une juste intuition de la valeur intrinsèque des écrits, et cette valeur pouvait, tout au moins en partie, préserver d’un certain nombre de ridicules, dans l’envie de statuer sur ce qu’est la langue, la littérature… De la pratiquer vraiment plutôt que de dire ce qu’elle devrait être. Ses académiciens sont des médiocres faiseurs, à qui finalement le rôle de statuer sur la langue et la littérature sert de substitut à une véritable création.



Sans oublier que l’Académie, qui a été créée par Richelieu, est aussi un moyen pour le pouvoir de surveiller et d’avoir une main mise sur les écrivains qui en font partie, ou qui voudraient en être. Ce qui donne aussi un caractère un peu servile aux portraits de la pièce.



Le sel de cette satire est sans doute perdu maintenant en grande partie, c’est une curiosité plus qu’autre chose, mais qui montre que la conception des auteurs et de la littérature modelée par le pouvoir à l’époque avait aussi ses critiques, ses réticents, qui pouvaient être féroces à l’occasion.
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Lettres sur la vieillesse

Hasard, heureux hasard que celui qui m'a permis de découvrir les "Lettres sur la vieillesse", petit recueil de lettres qu'échangèrent plusieurs années durant Ninon de Lenclos et Charles de Saint-Évremond.



Femme de lettres et d'esprit, considérée comme une des courtisanes les plus influentes à la cour de Louis XIV, sa réputation lui permit de tenir salon, rue des Tournelles à Paris, d'y recevoir les plus grands lettrés et artistes du moment. Son aura lui permit aussi d'entretenir de nombreuses relations amoureuses. Ninon de Lenclos fut tout cela mais également une remarquable épistolière.

Les Lettres sur la vieillesse contient la correspondance qu'elle eût avec son ami et ancien amant Charles de Saint-Évremond, moraliste, critique littéraire et libertin entre 1669 et 1699.



Séparés géographiquement, ils restèrent très longtemps attachés l'un à l'autre. Ils s’écrivirent jusqu'à un âge avancé - 79 ans pour Ninon de Lenclos et 85 ans pour Charles de Saint-Évremond – partageant avec une émotion et une tendresse sincère et renouvelée, leurs souvenirs du temps passé, l'espoir de beaux lendemains qui lentement s'efface, mais aussi le souvenir précieux de l'autre, sa présence dévouée et rassurante.



Les lettres sur la vieillesse nous offrent, aujourd'hui encore, une belle et émouvante réflexion sur le temps qui fût et celui qui est désormais. L'attachement de deux personnes, Ninon de Lenclos et Charles de Saint-Évremond, qui ne renoncèrent jamais aux liens de l'amour et de l'amitié.
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