Malgré mon estime carencé, j'avais tendance à croire que tout tournait autour de moi. Ironique, non? Au fond, trop s'aimer ou se mépriser, n'est-ce pas dans les deux cas faire une fixation sur soir? En plus de me réfugier dans mes pensées, ma vie sociale était pour ainsi dire inexistante. Et je me demandais pourquoi je peinais à me détacher de ma petite personne, pourtant aux antipodes du stéréotype de l'individu narcissique désirant être le centre de l'attention afin de faire bénéficier les autres de ma magnificence.
Les cloisons du monde virtuel dans lequel j'avais trouvé refuge étaient totalement étanches: personne ne pouvait y accéder, et j'étais incapable de m'évader de cet univers abyssal qui me plongeait dans une morbidité sans nom.
La totalité de ce que je leur confiai était véridique, mais je censurai délibérément certaines de mes impressions incapable de les verbaliser. Parler de mes sentiments alors que j'ignorais la nature même de ceux-ci ainsi que la relation pour laquelle je les éprouvais atteignait des sommets en termes d'obligation pénible.
J'aurais aimé l'assommer pour qu'elle cesse d'affirmer que j'étais belle d'un ton qui aurait été approprié pour communiquer son attendrissement à un nouveau-né, la secouer en la contraignant de me regarder correctement, me déshabiller pour lui montrer mon corps nu, lui énumérer toutes mes imperfections pour lui prouver qu'elle avait tort. C'était faux, je n'étais pas jolie comme elle le prétendait.
Je ne vivais plus, je pensais.