La Russie est mère de tous les poèmes
La Russie est mère de tous les poèmes, bordés
par elle chaque nuit d’un drap de neige. Nous
avons, en France, Marceline Desbordes-Valmore.
Elle est, avec les chants aztèques de Catherine
Pozzi, leur construction pyramidale, ce que notre
pays a offert de plus pur sur l’amour. Une plainte,
mais délivrée de son bourreau. Un chant devenu
lumière, montant au soleil. Anna Akhmatova, à
la fois mâle et femelle, incarne la figure de la
colère du ciel, une colère sèche, non sentimentale,
l’arrivée en pleine nuit d’hiver de l’amour implac-
able, ses coups à la porte. Un pays est sauvé par
ses poètes. Beaucoup sera pardonné à l’Amérique
pour avoir abrité l’étrange Emily Dickinson.
Supprimez tous ces gens qui passent leur vie à
chercher le mot le plus proche du ciel ou de l’enfer,
et vous vivrez dans les ténèbres.