Et puis, et puis il y a la magie des Black Hills.
De loin, de la grande maison des Bentley, ces montagnes sombres, presque noires, justifiant leur nom, avaient généré chez la jeune femme une forme de fascination, une attirance qu’elle n’aurait jamais pensé satisfaire de la sorte. Parce qu’elles forment une sorte d’oasis au milieu de la plaine immense. Une élévation belle et sauvage, un ailleurs apparemment inaccessible.
De près, telles qu’elle les voit maintenant, le terme oasis prend toute sa dimension. Les hautes parois grises, déchirées et dentelées font une barrière naturelle et inviolable à une suite de petits édens verdoyants, troués de lacs et d’étangs, presque luxuriants en regard de l’aridité des sommets. Ici, c’est tout le contraire de la plaine. Ce n’est que succession d’élévations boisées, de vallées vertes ou jaunes, peuplées d’amas rocheux, de bosquets et de prairies ressemblant à des savanes, où s’ébattent une foultitude d’animaux de poils et de plumes. Un paradis pour les Indiens, une corne d’abondance où ils puisent avec sagesse et sérénité, remerciant en permanence le Grand Esprit de leur offrir cette manne sans cesse renouvelée.
— Chef Chayton dit que toi femme courageuse, pas pleurer quand enlevée par Sioux. Mais toi pleurer quand apprendre Visage-Pâle tué par nous. Cœur de la femme blanche fort, mais pas dur. Lui aimer ça. Quand lui revenir de combattre Visages-Pâles dans la plaine, lui penser à toi. Et voir aigle tourner au-dessus du camp des chasseurs. Lui penser aigle protéger toi. C’est grand pouvoir. Alors, Chef Chayton respecter toi.
Ces paroles bouleversent Emma. Elle s’attendait si peu à une telle déclaration de sa part. Elle pensait que sa haine envers les blancs annihilait toute autre considération. Elle se trompait. Elle découvre ainsi un nouveau pan de l’âme des Indiens qui font preuve de discernement au niveau de leurs sentiments. Et ces Indiens lui apparaissent à ce moment porteurs d’une noblesse de cœur qu’elle a peu rencontrée chez les siens. Cela la trouble plus que ça ne la rassure, car elle est malgré tout bel et bien prisonnière. Et si elle constate les qualités morales de ses ravisseurs, elle peut craindre tout autant la violence de ce peuple sans détours mais sauvage.