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Citation de enkidu_


La notion de « révolution permanente » fut forgée par Trotski. Le concept, pourtant revient plutôt à Lénine, qui définit la révolution sous dictature du prolétariat comme une révolution « indéfinie » à étapes ; et Mao Tsé-toung en fit l’essence de sa révolution culturelle. De fait, « permanent », « indéfini », contredisent l’idée d’un terme, d’une clôture de l’histoire. Voici l’une des plus profondes visées parmi celles que le marxisme a engendrée : par cette idée d’une révolution ininterrompue, telle que jamais la dualité des mondes ne soit obturée, que jamais l’universel ne s’instaure sur les ruines d’un monde vivant, contradictoire, que jamais le combat de la lumière ne cesse, Mao offrait à la politique son issue dans une sorte de « gnose » de l’histoire. Il métamorphosait l’histoire, ses labeurs, et ses sacrifices, en l’instrument d’une jouissance infinie, toujours à venir, sans limite historique. Qui, pour une telle promesse, ne renoncerait à sa demande, à sa pensée, ne « combattrait pas l’égoïsme » ? L’infini, disait Descartes, est incommensurable au fini, il n’est pas un fini toujours plus grand, il le dépasse en être, car il est acte pur, et le fini est puissance avant d’être acte. Le maoïsme fut la promesse inouïe que l’histoire, ce lieu de la vie en puissance, pût être comme le Dieu de Descartes, un infini en acte.

Puisque le caractère, propre au prolétaire, de l’essence de l’homme transparente à elle-même, est de ne posséder rien que la pure force de travail, le prolétaire est la négation permanente de tout ce qui vient à être au prix de son oppression. Le monde est l’envers d’une douleur illimitée : le mettre « à l’endroit », c’est en détruire l’édifice entier, en l’affrontant à une révolte infinie, née d’une absence infinie d’exister. La rupture révolutionnaire ne saurait s’achever avec l’acte insurrectionnel qui offre le pouvoir politique au prolétariat. Car le peuple veut non une société nouvelle, mais une société impossible. Sans autre lien que l’égalité devant le sol ou la machine. Il faut, dès lors, conserver de l’État ce qu’il offre de puissance, la pousser au maximum, mais détruire ce qu’il éternise, ce qu’il universalise.

Ce rêve, aussi bien que les révolutions prolétariennes, les séditions l’ont fait, qui transformaient la famille des ‘Alides, et l’Imâm attendu, en sauveur des humbles : soulèvements qarmates, hérésies ultra-shî’ites, comme celle d’Abû’l-Khattâb, et enfin l’épopée ismaélienne. Déjà, l’attente historique de la parousie supprime tout recours à l’universel, au droit, à la nature ou à la culture. Il n’y a pas de nature humaine, il y a deux natures, l’angélique et le démonique. (pp. 100-101)
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