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3.5/5 (sur 4 notes)

Nationalité : France
Né(e) à : Paris , 1942
Biographie :

Christiane de Beaurepaire est un médecin psychiatre français.

Après avoir exercé dans le service public auprès de malades adultes, puis comme chef de service en pédo-psychiatrie et enfin comme chef de service d'un secteur de psychiatrie en détention, elle poursuit une thèse sur l'irresponsabilité pénale des malades mentaux et travaille à l'insertion des sortants de prison souffrant de troubles mentaux et de comportements "déviants".

Après quinze années passées au sein de l’institution pénitentiaire de Fresnes, Christiane de Beaurepaire livre dans l'ouvrage "Non-lieu. Un psychiatre en prison" (2009) son témoignage de psychiatre, traçant avec affection et parfois brutalité des portraits de prisonniers et de soignants, contant des histoires de vie poignantes, dénonçant l’arbitraire du système carcéral.

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Source : Wikipédia
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Citations et extraits (9) Ajouter une citation
L'AMOUR A L’ÉPREUVE DE LA VIE

Les relations entre parents et enfants oscillent entre amour et haine. Or, le socle de cette relation viscérale, fondatrice de la personnalité de l'enfant, repose sur l'amour des parents, mis à l'épreuve par l'enfant et par les circonstances de la vie.


LORSQUE L'ENFANT DOUTE D’ÊTRE AIME
Un petit loupé à l'école, un comportement qui déconcerte les parents : l'enfant, inquiet de les décevoir, a l'impression de ne plus être aimé.
* Selon les cas, il s'isole, physiquement ou dans le silence, indiquant qu'il "ne fait pas partie", qu'il "est en dehors" ou "à l'écart".
* Ou bien il s'oppose à ses parents ou à ses frères et sœurs. Il multiplie les "bêtises", casses ses jouets, refuse les cadeaux, exprimant ainsi son insatisfaction, sa tristesse ou sa jalousie fraternelle.
* Il peut aussi démontrer résignation et ennui en famille, affichant son plaisir d'aller à l'école.
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8. « La question est donc de s'interroger sur les déterminants des infractions que commettent les personnes en situation de misère. Car, ou bien la pauvreté est ontologiquement une infraction, ou bien la pauvreté expose, comme la maladie mentale, aux infractions, directement ou indirectement, via un cheminement psychologique et comportemental engendré par la misère ou destiné à en combattre les effets pathogènes. […]
Et cette analyse me rappelle en qu'affirmaient des psychiatres américains il y a plus de vingt-cinq ans, lors d'un grand congrès international au sujet des SDF locaux, tassés, recroquevillés, pliés au pied des gratte-ciel, comme des chiffons en tas, sales et malodorants, noirs de peau pour la plupart, accablés d'affections somatiques multiples, assommés d'alcool et de drogues diverses.
"Des psychotiques, tous des psychotiques", disaient sérieusement ces psychiatres. Pourquoi ? "Mais parce qu'ils sont inadaptés." Inadaptés ? À quoi ? "Socialement inadaptés". Et ma colère d'alors me poussait à interroger : "Et si c'est la société qui n'est pas adaptée ?"
La France d'alors était encore vertueuse, nul ne pouvait imaginer que trente ans plus tard, on y ferait le même constat : "La moitié des SDF sont psychotiques." Et que cette fois, j'allais y adhérer. Le point de vue américain d'alors était franchement darwinien, je disais que c'était "du darwinisme libéral". Mais ces temps-ci, ce darwinisme s'est mué en entreprise d'élimination "libérale" : la misère, avatar ou effet collatéral des priorités économiques, et la maladie mentale, trop chère pour les priorités économiques. Les priorités économiques, le déterminant commun de la misère et de la maladie mentale, avec, au bout, la prison après le caniveau.
Les sociologues nous l'expliquent assez bien. Mais relisez d'abord Foucault : "L'institution prison, c'est pour beaucoup un iceberg. La partie apparente, c'est la justification : "Il faut des prisons parce qu'il y a des criminels." La partie cachée, c'est le plus important, le plus redoutable : la prison est un instrument de répression sociale. Les grands délinquants, les grands criminels ne représentent pas 5% de l'ensemble des prisonniers. Le reste, c'est la délinquance moyenne et petite. Pour l'essentiel, des gens des classes pauvres." » (pp. 316-317)
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6. « La prison, l'asile des pauvres, on le sait depuis toujours. Demandez à Victor Hugo, à Louis XIV et, plus récemment, à Loïc Wacquant qui décrivent la pauvreté aujourd'hui en prison, en France et dans tous ces pays dont on dit qu'ils sont développés puisqu'ils conduisent la marche du monde.
[…]
Mais regardez d'abord ce que disent les chercheurs de l'administration pénitentiaire dans une étude menée en 2001 […] : 41% des prisonniers sont sans emploi alors qu'ils sont en âge de travailler, 10% sont en situation précaire ; 52% ont un niveau scolaire inférieur à la 3e et 58% n'ont aucune formation professionnelle ; 40% déclarent moins de 396 euros par mois et seulement 20% plus de 838 euros ; 20% et 15.000 personnes environ annuellement n'ont pas de logement stable.
[…]
Vous imaginez comment ils en sortent ?
[… Pour] les plus précaires, soit 60% de la population de prisonniers, la préparation à la sortie et l'insertion sont à l'évidence des plus difficiles, les aménagements de peine moins nombreux, la morbidité psychiatrique et addictive couramment associée, la récidive quasi constante. Et l'on voit émerger des "profils" chez les sortants de prison.
Moins de 20% ont conservé logement personnel et liens familiaux, et construit un projet professionnel sérieux.
Plus de 30% ont rompu tous liens, détention très longue, ou liens antérieurs trop fragiles et inexistants. […] Ils sortent de prison avec des cartons, en situation administrative irrégulière, papiers perdus ou absents. Et s'ils sont étrangers, ils sont en situation illégale, deux fois plus nombreux ici que dehors.
Enfin, plus de 30% encore sont de jeunes récidivistes, enchaînant des incarcérations courtes, délinquance et marginalisation précoces, sans formation ni projet professionnel, sans activité licite, consommateurs de drogues et d'alcool. Leurs liens sociaux sont d'un certain type, plutôt underground et en "bandes", les liens familiaux sont relâchés ou pathogènes.
La sortie est un passage familier et bien rodé après de si nombreux enfermements, un instantané dans un parcours d'exclusion croissante. On passe en général ses premières nuits chez des connaissances ou un membre de la famille, avec lesquels la situation va rapidement se dégrader. De marginalité en exclusion, la récidive est au bout avec la prison, un peu plus lourde chaque fois. » (pp. 227-229)
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4. « Il y a peu de femmes en prison. Il y a des meurtries pour la vie, des meurtries meurtrières, des rescapées d'enfers d'enfance. Quelquefois des escrocs, drôles souvent, pathétiques parfois. Et des gamines dont on pourrait dire, non pas que du lait leur sort encore du nez, mais que celui-ci reste enfariné par des poudres excitantes qui font voir la vie autrement. Le lait, on l'avait à coup sûr coupé d'eau ou parfumé au calva, comme au fond des campagnes normandes profondes.
Il y a aussi ces jeunes femmes des tropiques ou d'Amérique du Sud, on les appelle les mules. Les chiens de l'aéroport tout proche ont reniflé quelque chose. Les douaniers et la police connaissent le truc : elles cachent dans l'intimité de leur corps des paquets de drogue, ou elles les avalent, des petits sacs en plastique ronds et bourrés de précieux produit. Il arrive que l'acidité de l'estomac crève le sac, la drogue se déverse dans le corps, la mule meurt d'une improbable overdose. […]
Les petits de la mule, miséreux, l'attendent sous les tropiques, de l'autre côté de l'Atlantique Sud. Les pères, où sont-ils ? Une grand-mère d'on ne sait qui attend l'argent du voyage pour les nourrir. […] Il faudra aussi payer pour le produit : on dit "contrainte par corps" pour cette forme de remboursement. » (p. 102)
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1. « Quel pouvait être mon travail dans un lieu pareil ? L'urgence, c'était pour moi de reconstituer l'unité "symbolique" décomposée, allez, déconstruite, des malades. Et qu'au fond, dans un lieu pareil, la psychiatrie de liaison portait à la lettre son nom. Le traitement des patients, c'était d'abord leur restauration, qui avait un préalable, recoudre les morceaux épars, un travail de couturière. À la condition que des liens s'instaurent entre les différents gérants des morceaux en question.
La reconstruction identitaire du malade dépendait donc pour commencer de l'existence et de la qualité des liens formés entre les différents corps professionnels. J'ai conservé cette conception, souvent contestée et combattue par mes collègues, même si elle semble plus souvent partagée par l'ensemble des intervenants en prison.
[…]
Et les soignants, infirmiers et médecins, qui refusaient d'en savoir plus sur leur malade, sur son délit bien sûr. Car c'est bien ce qui est au cœur de la pensée de chacun, l'intéressé compris. C'est ce qui rassemble, sinon réunit, intervenants et malades prisonniers. Et c'est exactement ce qu'il faut ignorer, et taire a fortiori. » (pp. 28-29)
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7. « Et puis, on a fait une étude ultérieure [décembre 2004], méthodologiquement parfaite, une étude nationale, [… où] on apprend encore que près de 30% des prisonniers ont été suivis par un juge pour enfants, parce qu'ils ont été maltraités très jeunes, placés au cours de leur enfance, et encore hospitalisés en psychiatrie et suivis pour addictions précoces. […]
De plus, 75% des prisonniers présentent des troubles psychopathologiques et la moitié d'entre eux sont considérés comme gravement malades […] Enfin, last but not least, sont enfermés dans les prisons françaises près de 5.000 personnes atteintes de schizophrénie […] sept fois plus nombreux en prison que dans la population générale, juste 1% de malades schizophrènes. En somme, en France, si on compte : un malade schizophrène sur cent est emprisonné.
Même constat pour les maladies de l'humeur, la dépression par exemple, une cause nationale récente […] Ces affections psychiatriques touchent donc 40.000 prisonniers, soit près de 70% d'entre eux, 12 fois plus que dans la population générale. » (pp. 309-310)
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3. « Alors commence le défilé. "Tu verras, les arrivants, c'est très intéressant." C'est exact, c'est vraiment très intéressant. Et si répétitif, si prévisible. Plongée imparable au tréfonds de la société.
Deux tiers de sans-domicile, un ou deux meurtriers, quelques agresseurs sexuels, deux tiers de poli-toxicomanes, deux tiers et demi d'alcooliques et, bien sûr, les schizophrènes du jour, assortis d'une injonction judiciaire d'hospitalisation psychiatrique dès leur arrivée en prison. Sans parler des sans-papiers, des irréguliers, autres délinquants donc.
L'un n'exclut pas l'autre, le schizophrène est souvent à la rue, il boit et prend du shit, parfois il a tué. Le sans-papiers est très souvent à la rue, il boit, prend du shit, et revient en prison pour la troisième fois au moins, peine doublée chaque fois, préférant le pire au retour aux origines. Le nombre des sans-papiers, de ceux dont on dit qu'ils sont en situation irrégulière, est un bon indicateur de l'air du temps, du politiquement correct et de la couleur du gouvernement. » (pp. 73-74)
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2. « On pose depuis deux cents ans la question de l’œuf et la poule, paradoxe d'école, à propos des troubles mentaux des prisonniers. Sont-ils malades avant l'incarcération, ce qui implique un lien entre trouble mental et délit et pose, pour tout un chacun, avec la question de la responsabilité pénale, le problème de l'incarcération des malades mentaux, ou bien l'incarcération est-elle pathogène ? Psychopathogène ? Il existe une troisième possibilité, elle concerne la question de la vulnérabilité psychologique des prisonniers, et leurs faibles ressources adaptatives face à la rigueur et aux contraintes de l'enfermement.
Ces différentes options se mêlent naturellement, mais chacune a ses implications propres. La première concerne à la lettre le slogan "soigner et punir", le "et" prenant désormais la place du "ou". Un problème philosophique, épistémologique et logique. » (p. 65)
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5. « Il y a donc les malades mentaux chanceux, qui trouvent une hospitalisation, peu importe comment, à la sortie de prison, et les autres, ceux qui passent entre les mailles du filet, ceux dont la sortie tombe comme ça, inattendue, ceux, très rares, qui ont encore une adresse ou une famille et accèdent donc au "droit" d'intégrer la population légitime d'un secteur de psychiatrie. Il y a ceux qui font l'objet d'un aménagement de peine, avec une obligation de soins ; des chanceux aussi, car ils ne sont pas engloutis dans l'anonymat de la rue, des squats, des ponts, et parfois engloutis tout court, dans l'eau glacée du canal ou de la rivière […]. » (p. 225)
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