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Citation de Woland


[...] ... En mai 1943, on vint chercher la fille [des Gohl]. [Ils] avaient longtemps réussi à soustraire leur fille à l'Etat, qui plaçait les malades dans des foyers spécialisés, de façon, comme on disait officiellement, à ne pas compromettre la bonne santé du peuple. Plusieurs années durant, les Gohl avaient réussi à cacher leur fille dans leur maison jusqu'à ce qu'à la suite d'une dénonciation écrite, la municipalité ne puisse plus faire autrement que signaler l'existence de cette petite malade au Gauleiter. On était venu la chercher en mai, et on leur rapporta en septembre l'avis de décès et l'urne avec ses cendres. D'après le certificat de décès, elle était morte d'une pneumonie. M. Gohl fit déposer l'urne dans le cimetière de la forêt et dresser une petite pierre blanche, sans nom ni date. Sur la pierre, une simple croix dorée.

Depuis qu'on leur avait pris leur fille de force, les Gohl ne quittaient plus guère leur maison. On le voyait parfois, lui, aller faire les courses : à l'époque, il achetait encore tout chez Grosser, en haut, près de l'ancienne foire aux bestiaux. Il lui arrivait aussi de se rendre aux thermes, avec un gros paquet sous le bras, et d'exposer ses peintures dans le foyer puis, assis à côté, d'attendre patiemment les acheteurs. Parfois des gens de la ville lui adressaient la parole pour le consoler, mais jamais il ne leur répondait. Il se contentait de les regarder sans rien dire, les yeux remplis de larmes.

A la fin de l'année, quelques mois après l'inhumation des cendres, une effroyable rumeur se répandit pour la première fois dans Guldenberg. Pendant quelques jours, toute la ville en parla discrètement, presque sans le dire. Et tout aussi soudainement qu'elle était venue, la rumeur disparut. Personne n'était peut-être vraiment au courant, mais peut-être aussi que cette rumeur était tellement horrible que l'on préféra ne pas lui prêter attention. Je crois que dans notre ville l'on n'y pensait même plus.

Mais au printemps suivant, il se confirma que la terrible rumeur était vraie. Des promeneurs avaient vu la fille de Gohl, qui entretemps était devenue une grande jeune fille, jouer dans le jardin. Manifestement, l'année précédente, c'était la mère que l'on avait emmenée au lieu de la fille. Mme Gohl avait dû réussir à tromper les autorités et, sous le nom de sa fille, à se faire emmener dans l'un de ces établissements où l'Etat internait les gens qu'il avait condamnés à mort pour cause d'"existence inutile."

Marlene, la fille de Gohl, vivait. Dans l'urne déposée dans la forêt, il y avait les cendres de Gudrun Gohl, la mère de la jeune simple d'esprit. ... [...]
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