Christophe Lambert

Ils marchaient, seuls au monde et rois du monde, aventuriers et vagabonds, poitrine offerte aux vents comme à l'averse, au soleil comme aux grêlons. Leurs chaussures s'usaient. Leur peau brunissait. La casquette de Teddy n'était plus qu'une chose molle et informe.
Ils marchaient, avec cet aplomb propre à la jeunesse qui croit que tout est encore possible, leurs rêves chevillés au cœur et la faim chevillée au ventre. Le soir venu, ils déposaient leurs sacs pour se masser la peau, là où les sangles avaient creusé des sillons rosâtres. Une fois les chaussettes enlevées, c'était le cérémonial des ampoules crevées avec une délectation masochiste. Quand ils dénichaient un ruisseau, ils trempaient leurs pieds dans l'onde pure et des frissons de bien-être leur remontaient le long de la colonne vertébrale. Puis ils se couchaient, ils dormaient... Et, le lendemain, tout recommençait.