La centaine de prisonniers de cette salle offrait une vision éloquente de l'enfer. Leur regard indiquait qu'ils étaient répartis en trois groupes. Ceux du premier groupe avaient le regard d'un homme à qui le bourreau passe la corde au cou. Les hommes du deuxième groupe avaient le regard fièvreux de ceux qui sont atteints de dysentrie, de fièvre et de diarrhée. Le troisième groupe, lui, avait le regard des morts-vivants, de ceux qui ont déjà franchi le pont. (p.292)
-Calvino et moi avons travaillé ensemble. On peut lui faire confiance. Ce que vous direz ne sortira pas de cette voiture, laissa tomber Pratt.
-L’amitié et la confiance. Bonnes choses à partager entre hommes. C’est rare qu’on puisse faire confiance totalement. Au Cambodge, c’est encore pire, si je peux me permettre, dit Singh. Les Khmers rouges ont tué tellement de gens que personne ne sait à qui faire confiance. Oui qui sont leurs amis. Ce qui fait que plus vous ignorez les rumeurs et mieux vous vous portez .
En mars 1993, j'étais à Phnom Penh pour y réaliser une série de reportages sur la présence onusienne. À partir de mes observations, j'ai écrit Zéro Heure à Phnom Penh, le seul de mes romans inspiré de cette époque.
Vincent Calvino cherche la solution à un crime individuel commis dans une société ayant subi l'outrage d'un crime collectif majeur. Il finit inévitablement par se dire que le problème qu'il doit régler est bien insignifiant en comparaison du million de personnes mortes sous le règne des Khmers rouges. (p.8)
je ne sais pas, je ne sais plus
Les bandits pouvaient être où ils le voulaient, quand ils le voulaient et personne n'était assez naïf pour penser que la police était capable de contrôler les voleurs ou les meurtriers. D'autant plus que la police locale était elle-même un acteur engagé de l'univers criminel de la capitale cambodgienne sans que personne n'ait encore trouvé la bonne méthode pour forcer les flics à faire leur véritable travail. Pas plus qu'il n'y avait de moyens réels pour que les flics honnêtes se mettent à arrêter leurs confrères corrompus.
Dix ans plus tard, j'y suis retourné pour observer les changements survenus dans le pays. «Le temps passe vite», disait une animatrice de radio khmère dans un anglais au fort accent californien. Elle aurait aussi bien pu se trouver dans un centre commercial de Los Angeles. Pourtant, elle n'avait sûrement jamais mis les pieds hors du Cambodge. Cette jeune femme faisait des émissions en anglais destinées aux jeunes Cambodgiens nés après la défaite des Khmers rouges. «Le temps passe vite, répétait-elle.
Comprendre un génocide n'est jamais facile... Dans le cas du Cambodge, d'avril 1975 jusqu'à l'arrivée des Vietnamiens, en août 1979, les Khmers rouges ont organisé l'assassinat du tiers de la population du pays. Une balle comme une pelle ou une faucille devenaient des armes meurtrières. La famine et la maladie ont achevé le travail et ajouté aux masses de cadavres déjà entassées par les Khmers rouges. Quelle que soit l'analyse, une réalité demeure : il y a eu un nombre effarant de meurtres.
«On dirait que c'est lundi mais nous sommes déjà jeudi. J'aime quand ça va vite mais je ne veux pas vieillir. Voulez-vous vieillir ? Bien sûr que non ! Comme moi, vous voulez toujours rester jeune ! Et j'étais en train de songer à quel point j'aime Santana, celui qui a écrit Black Magic Woman. J'aimerais connaître son origine. Je veux dire, il n'est pas américain et il n'est pas noir, ni asiatique. Je ne sais pas d'où il vient mais je pense qu'il est vraiment cool.»
En 1993, le hall de ce palace était parsemé de chaudières qui recueillaient l’eau qui coulait du plafond. On pouvait y louer une chambre pour dix-huit dollars et aller admirer la piscine pleine de boue et d’herbes. Aujourd’hui, les entrepreneurs de Singapour ont transformé l’endroit en un hôtel cinq étoiles de classe internationale où on vous propose une chambre à trois cents dollars la nuit et un dîner au Champagne pour pas moins de soixante-dix dollars par tête.