Claire Tiévant

Ce qui frappe, et sans doute tout d'abord déroute, dans la démarche de Bobin, c'est l'amour et jusqu'à l'obsession qu'il voue au tracé du signe…
De nos échanges épistolaires, je retiens certainement ses aphorismes et ses fragments poétiques, calligraphiés au feutre noir, graphismes au souffle puissant, affirmés, faisant écho à la germination de sa prose lyrique.
En vérité, la lettre écrite nous révèle l'espace infiniment ouvert dans l'abime du mot.
Bobin L'Herne 2019. Page 141
Chapitre "Calligraphie à l'encre noire" CLAUDE MEDIAVILLA. Page 141


Pour retrouver la voie originelle, la voie première, c'est très long. Pour rejoindre sa vie propre, il faut beaucoup de temps. Il faut d'abord imposer le silence à cette voix noire des sagesses des raisons. cela, c'est le travail de la beauté -d'un livre, d'une peinture ou d'un amour. c'est le travail que la beauté opère en nous : avant de nous dire quelque chose, elle s'est fait elle fait taire en nous tout le reste. La beauté, ce n'est pas ce qui comble. la beauté ce n'est pas ce qui ajoute à nos forces. La beauté, c'est d'abord tout le contraire : loin de nous enrichir, elle commence par nous appauvrir. Loin de nous réjouir, elle commence par nous blesser. C'est qu'il faut commencer par nous tuer pour nous remettre en vie, pour nous donner cette vie, que nous n'avons jamais goûtée, qui est la nôtre. La beauté, ce n'est rien qu'on puisse dire ou penser. La beauté, c'est ce qui interrompt. Avant d'éclairer, elle obscurcit. avant de donner elle enlève.
Ce que nous offre Bobin est la chance de la beauté. Un auteur difficile à commenter car ce que l'on peut dire de sa pensée sera toujours moins beau que ce qu'il a pu formuler lui-même.

Chapitre "Le vent des plages" MARC-ALAIN OUAKNIN. Page 211
Bobin L'Herne 2019. Page 215