Frontière
Pour Lucette
et Gilles FOURNEL
1
Où veut le vent
mener sa cécité :
le vent la mène ;
et sa voix rauque
‒ à travers rocs
et ronces –
interpelle
au hasard
et se rie
des réponses
et des plaintes de l’eau
qu’il lacère en hurlant.
Frontière
Pour Lucette
et Gilles FOURNEL
3
À la frontière du tourment,
je tends les mains…
Demain
‒ regénéré ‒
je jaillirai
de mon aurore.
Demain
j’irriguerai
ma face aride
où mord
le vent qui crucifie
la croisée des chemins.
Frontière
Pour Lucette
et Gilles FOURNEL
2
Mais l’homme au vent
n’est pas voué :
il se gouverne.
Il connait sa lumière
au tranchant
de la nuit.
Il sait son jus
à la coupu-
re de son fruit.
Au manège
de la lanterne,
il sait l’écueil.
Frontière
Pour Lucette
et Gilles FOURNEL
4
Et déjà
la nuit craque
et les ombres
se fendent.
Bientôt je blottirai
le soleil dans mes paumes,
pour éclairer la force
et le défi
d’un homme
qui pénètre
vivant
dans sa propre légende.
Frontière
Pour Lucette
et Gilles FOURNEL
6
L’heure
se fait
juteuse
et le temps
se dérobe…
Voici l’instant parfait,
le jour qui se déplie.
Dans la maturité
de sa grâce accomplie,
l’Éternité
m’invite
‒ et retire sa robe.
Frontière
Pour Lucette
et Gilles FOURNEL
5
La claire
et vigilante Eternité
suspend
la lampe qui s’allume
sur l’arbre
de l’orage ;
et révèle
au guetteur
la ligne de partage
où son salut
dépend
de son consentement.
Métamorphoses
7
J’ai renoncé au gel
pour accepter l’offrande
et le consentement
que son cœur me dispense.
Ses mains ont suscité
la beauté que j’abrite ;
et j’ai uni son nom
à tout ce que j’aimais.
Métamorphoses
6
Les vergers sont-ils clos ?
Les arbres sont-ils morts ?
Non ! les arbres sont verts
et les vergers ouverts.
Son amour m’a couvert
de bourgeons innombrables.
Les fleurs de son verger
Ont blanchi mes ténèbres.
Métamorphoses
2
Depuis toujours l’été
s’épuise et se dépouille ;
depuis toujours l’automne
grince au vent qui se rouille ;
et l’amour est semblable
aux pommes du verger :
le temps qui le mûrit
le fait tomber de l’arbre.
Métamorphoses
4
Jouirions-nous autant
du cycle des saisons
sans l’attente et l’absence,
la jachère et l’épure ?
S’il faut de longs sommeils
pour reposer la terre ;
pour savoir son odeur,
il faut sortir de soi !