Citations de Clément Fayol (15)
Au sein d'une France insoumise qui fait figure de phalanstère tant les unions entre militants y sont légion , le tandem Garrido-Corbière occupe une place à part. L'un et l'autre ont été poussés sur le devant de la scène par un Jean-Luc Mélenchon désireux de démultiplier les personnalités incarnant le mouvement. Un choix qui peut paraître surprenant dans la mesure ou ce couple de rebelles très « paillettes» incarne beaucoup des travers de la classe politique traditionnelle dénoncés par les insoumis.
Pourtant pas franchement "tradi" , le haut fonctionnaire (Bernard Pignerol) de 60 ans - qui fréquente le coupe Corbière-Garrido depuis des années- s'émeut encore de leur organisation familiale peu conventionnelle :
« Raquel , féministe intransigeante , a expliqué dès le départ à son mari qu'elle ne s'occuperait de rien à la maison . On voit donc Alexis courir partout , jonglant entre son emploi du temps de prof , ses engagements d'élu et la gestion de la logistique familiale . Il peut très bien quitter une réunion parce qu'il doit amener l'une de leurs trois filles à son activité du mercredi !»
« Alexis (Corbière) et elle (Raquel Garrido) ont toujours aimé la lumière , surtout elle... » , note une ancienne militante du Parti de gauche.
Le duo (Corbière-Garrido) - elle à la castagne , lui à la com , ou vice versa selon les situations - , devient une pièce maîtresse dans le jeu du leader dissident qui a besoin de personnalités fortes pour faire vivre son nouveau parti.
À la même époque (2002) , le très internationaliste Mélenchon découvre le Vénézuélien Chavez et la révolte qu'il prétend mener au nom du peuple contre l'oligarchie. Cette idée de « peuple» - concept plus large que celui d'ouvrier - enthousiasme celui qui est encore formaté par son logiciel marxiste .
« Alexis Corbière est un affectif et un sentimental , il a besoin d'un chef . Il a eu des mentors successifs d'abord chez les lambertistes et la LCR , puis il y eu Dray et enfin Mélenchon plus tard , qui est un as pour instrumentaliser ce genre de caractère» , analyse un vieux compagnon .
Biberonnés à la tactique politicienne , les plus anciens compagnons de route de Mélenchon ont été comme lui marqués par ces années ou il leur fallait intriguer pour les postes et les mandats au sein d'un Part socialiste hostile.
« Ils sont atteints du syndrome de l'enfant battu qui , une fois adulte , devient bourreau» tacle un cadre du Part communiste qui les a fréquentés au sein du Front de gauche .
Sur son blog , début 2017 , Fatima Benomar raconte son expérience avec Sophia Chikirou et Mélenchon. Résultat , elle subit un harcèlement traumatisant .
« Des dizaines de messages avec tout le champ lexical de la prostitution et qui sous-entendaient que j'étais vendue au PS , se souvient l'ancienne du Parti de gauche qui s'est enfermée chez elle pour accuser le coup . Une fois que j'ai été pointée du doigt comme une menace , ils sont tous arrivés pour enfoncer le clou . »
En ex-lambertiste un peu paranoïaque , Mélenchon est persuadé que le mouvement est infiltré et que l'on veut lui nuire personnellement .
Le candidat de la lutte des classes , prompt à fustiger les méfaits du capitalisme , est un pragmatique qui n'a pas d'états d'âme à profiter à fond du système pour faire vivre ses idées et son clan .
Usant de son charisme d'oncle érudit mais accessible , il joue à fond la carte paternaliste . Il cible les jeunes qui sont engagés dans des structures militantes et leur fait toujours le même numéro , raconte un ancien de l'Unef dragué dans les années 90 par l'élu essonnien. Il se penche vers eux et , comme en confidence , leur dit : «Toi , t'es le fils que je n'ai pas eu».
«Il veut une descendance de gens brillants mais ne tolère pas qu'ils existent par eux-mêmes» , observe Gérard Contremoulin , ancien compagnon de route du Part socialiste .
A chaque étape de son parcours politique , des lieutenants le rejoignent sans qu'ils soient jamais en position de supplanter le chef .
Les plus dociles et convaincus - maraboutés diront certains - restent quand d'autres s'éloignent au bout de quelques années de loyaux services .
Il rejette le culte de la personnalité sur scène mais n'a jamais , en trente ans , favorisé l'émergence d'une mouvance , d'un parti ou d'un mouvement qui s'émancipe de sa tutelle .
Mi rock-star chouchoutant , backstage , ses fans les plus fidèles , mi prédicateur incitant les foules à se soulever , la quatrième homme de la dernière présidentielle présente bien des aspects du gourou qu'il assure ne pas être .