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Citation de Sodapop_Curtis


Lorsque les femmes "révolutionnaires" interviennent dans les "journées" révolutionnaires, elles concurrencent les hommes dans la course à la reconnaissance politique. Les rivalités sont aggravée par les écarts sociaux. Les femmes "révolutionnaires" militantes possèdent, pour une grande partie d'entre elles, un maniement du langage, des relations et des moyens qui incitent les militants sans-culottes à la classer comme des représentantes de groupes suspects. Dans les armées contre-révolutionnaires, le statut des femmes n'est pas considéré de la même façon. la hiérarchie nobiliaire ou notabiliaire n'est pas un obstacle, bien au contraire, à la cohésion des troupes et, dans l'univers contre-révolutionnaire, le rang continue de compter plus que le genre. Être commandé par une femme noble n'entraîne pas les mêmes échos dans le camp contre-révolutionnaire.

Ce jeu compliqué entre inégalités sociales et égalité politique explique pourquoi la Révolution peut apparaître comme régressive par rapport à la situation faite aux femmes sous l'Ancien Régime. La société de la monarchie accordait une certaine autonomie à des groupes précis de femmes, les nobles, les religieuses, les veuves, voire les marchandes et les négociantes. Dans les diverses assemblées, elles possédaient la qualité de chef de famille, qu'elles déléguaient éventuellement à un fils ou un époux, mais qu'elles exerçaient le cas échéant de plein droit. En réaction contre ce système, la Révolution française marque son hostilité aux habitudes d'Ancien Régime fondées sur des statuts fonctionnels et entend instaurer des statuts politiques détachés de toute attache communautaire. Les femmes ne sont pas alors vraiment exclues de la société politique, elle sont surtout "non incluses", réservant ainsi aux hommes français une prééminence qu'ils conserveront plus de cent cinquante ans. Contrairement à ce qui est régulièrement affirmé, la Révolution française institue, en effet, le primat de la famille plus que de l'individu dans la société nouvelle et institue l'homme comme seul représentant de la famille. la femme est crainte dès lors qu'elle peut s'affranchir de cette soumission, que ce soit par l'affirmation de son caractère, de sa force ou de sa séduction. Sur ce point, la peur des hommes est générale.

En fait, une bonne part de l'activité combattant s'effectue en famille, ce qui explique aussi la présence des enfants. Le phénomène est assez classique et on le trouve par les "citoyens-combattants" de 1848. Au sein des milieux populaires, qui fournissent alors la majorité des protagonistes, les hommes vont certes au combat comme défenseurs de l'idée républicaine, mais aussi en tant que pères de famille, la définition de la citoyenneté étant indissociable de la cellule familiale. Les femmes interviennent comme membres de ce groupe essentiel à la vie urbaine du 19e siècle : elles ne sont donc pas "en plus" des hommes sur les lieux du combat, mais elles sont bien là comme part intégrante de la cellule familiale qui monte au combat pour défendre sa barricade, son idée de la Commune, son honneur patriotique ou encore son bout de quartier. Ces femmes ne sont pas forcément militantes, même si elles sont sincèrement impliquées dans leur volonté de défense. La notion de "cellule familiale", selon un phénomène bien étudié de la Révolution française, peut d'ailleurs fonctionner au-delà de la stricte relation familiale. Identifiant une idée domestique de la nation, elle peut aussi rendre compte de la présence de femmes aux côtés des bataillons, alors même qu'elles n'y ont ni mari ni frères. Dans cette perspective, le choc moral éprouvé par les Versaillais devant la présence des femmes sur les lieux du combat (il est du moins présenté comme tel) est aussi un choc social et culturel face à des définition du groupe et de l'individu qui ne sont pas les leurs.
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