GEORGES
Prends garde, Isabelle ; tu fais tout tomber.
ISABELLE
Non, pas tout ; seulement un peu.
GEORGES
Mais tu les casses. Regarde, cette belle-là ; elle est tout abîmée.
ISABELLE
Ça fait rien, ça fait rien.
GEORGES
Si, ça fait beaucoup : c'est pour maman.
ISABELLE
Et moi ? J'en veux aussi, moi.
GEORGES
Tu auras les petites, qui sont maigres.
ISABELLE
Non ; je veux les grasses.
GEORGES
Les grasses sont pour maman.
ISABELLE
J'en veux, je te dis.
GEORGES
Et moi, je te dis : je ne veux pas ; je suis le plus grand, j'ai quatre ans et demi. »
Isabelle regarda Georges d'un air malin, saisit une poignée de muguet et s'enfuit du côté de sa bonne. Georges courut après elle pour lui arracher les fleurs ; Isabelle, se voyant prise, les cacha dans les plis de sa robe en criant :
« Au secours, ma bonne ! au secours ! »
La bonne savonnait dans un cabinet à côté ; elle accourut aux cris d'Isabelle, et la trouva luttant de toutes ses forces contre son frère, qui, sans lui faire de mal, la secouait, la culbutait, en cherchant à ravoir le muguet : Isabelle le défendait, en tenant sa robe à deux mains.