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Citation de Nieva


Chaque mois d’avril, je vois les jonquilles sortir par milliers de la terre aux alentours de Court Green, indifférentes au sort des humains, aveugles, n’obéissant qu’au désir irrésistible de s’extirper du royaume des ombres, de se frayer un chemin vers la lumière pour danser, fringantes ballerines au gré des vents. Et chaque année, je pense à son dernier avril, comme elle avait accueilli pour la première fois – et puis plus jamais – avec des cris de joie respectueuse, ce don d’or jaune d’une excessive beauté. L’épicier nous y avait un peu poussés, il nous avait fait comprendre que nos prédécesseurs récoltaient les jonquilles pour les lui vendre, alors nous nous sommes mis au travail, sourds aux petites plaintes des tiges malmenées, nous avons coupé les fleurs avec des ciseaux, nous les avons attachées par douzaines et nous les avons apportées au revendeur. La vente de ces fleurs, à côté du gibier que je chassais, des poissons que je pêchais, des fruits et légumes que nous récoltions, nous confortait dans le sentiment de séjourner dans un paradis autarcique où la terre et notre travail nous permettaient de vivre. Une visiteuse a pris, un dimanche de Pâques, une photo de ma femme et de nos enfants, une sainte famille, placée au milieu des jonquilles, sous l’éclairage parfait d’un insolent soleil printanier. Ce mois d’avril là, nous avons perdu les ciseaux – un cadeau de mariage – disparus sous la terre où, petite croix rouillée, ils gardent en mémoire la fine empreinte de ses mains.
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