En effet, durant ces deux ans, j'ai découvert une personne qui pour la première fois de ma vie me donnait confiance en moi, ne portait aucun jugement quant à mes choix, me conseillait et me soutenait dans chacun de mes projets.
La façon d'être de Madame A était en totale opposition avec ce que j'avais connu auparavant, aussi bien dans sa façon de penser que dans sa façon de nous considérer, c'est-à-dire en tant que personne et non comme un vulgaire chèque.
La place que nous donne la famille d'accueil ainsi que la confiance et le respect qu'elle nous porte peut nous faire évoluer, changer nos réactions, nos façons de penser, et même parfois nos projets.
Je me sens aujourd'hui responsable de ma vie, de mes échecs et aussi de mes réussites.
Ce qui compte réellement, ce n'est pas le fait de se retrouver en famille d'accueil mais plutôt de tomber sur la bonne, où on se trouve épanoui, là où réellement on se sentira bien, où on nous fera une place, et dans laquelle on vivra sans avoir peur et en apprenant à se faire plaisir.
JE DECOUVRE UN NOUVEAU MODE DE COMMUNICATION
La réponse que je cherchais depuis un an concernant ses fugues régulières du collège est venue d'une illumination. J'ai laissé traîner volontairement sur la table une page de mon journal d'accueil sur laquelle j'avais écrit cette question : "Qu'est-ce qui peut bien l'empêcher de rester à l'école ? Et que fait-il pendant ce temps ?"
Le lendemain matin au petit-déjeuner, je retrouve cette feuille près de mon bol sur laquelle Nathan a notifié qu'il fugue chaque fois qu'un professeur élève trop la voix ou s'il y a trop de chahut dans la classe ou bien encore s'il subit des moqueries.
Un des difficultés de ce métier est de résister aux institutions qui nous investissent souvent de toute-puissance. Elles nous laissent croire parfois que nous détenons une baguette magique et que nous sommes les génies, qui, par miracle vont pouvoir débloquer la "situation". Et cela, sans toujours tenir compte de nos limites, de nos défaillances, de nos blessures et de notre histoire familiale, car il s'agit de l'implication d'une famille tout entière dans une rencontre avec un étranger, un inconnu... Il s'agit d'accueillir, d'apprendre à se connaître et à se respecter.
Cette expérience fut quelque peu brutale et décevante. On se rend compte que parfois, la pédagogie, l'éducation, l'attention et même l'amour ne peuvent rien face à une maladie pathologique.
Le souvenir que je chéris le plus est l'ambiance qu'il y avait. Certes, j'étais dans une famille d'accueil mais une famille quand même et de laquelle je n'étais pas exclue.
Il arrive que certains jeunes ne soient pas en mesure de vivre dans le respect mutuel.
Comment respecter les autres quand on n'a jamais été respecté ?
Le respect leur paraît suspect !
Lorsqu'ils ne peuvent pas s'adapter aux repères et aux valeurs fondamentales de la famille accueillante, je ne vois pas comment l'accueil peut être viable sur le long terme.
Notons l'importance de veiller à la bonne adéquation entre le jeune et la famille d'accueil !
Ils ont très vite dû faire face à la réalité du métier et la représentation positive qu'ils se faisaient de l'accueil est devenue désillusion. A ce moment mes enfants ne voient que les inconvénients. Sécurité, stabilité, respect de l'intimité, liens affectifs, tous ces éléments qui constituent le fondement de la vie psychique familiale sont mis à mal. La construction de l'identité de chacun est bousculée.
Dans ces moments [de retour des jeunes après la période d'accueil], je constate que mes enfants sont heureux, eux aussi de retrouver ces jeunes avec qui ils ont partagé des tranches de vie. Ils ont parfois été mis à mal dans leur place et parfois dans leur construction mais au bout du compte ils ont acquis des valeurs et une vision du monde qui à l'heure actuelle me semblent être de vraies richesses.