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Citation de Aede


Aede
21 février 2010
Par son bagout, par la magie de sa parole, par l’entrain qu’il mettait à raconter des anecdotes fabuleuses, je ne savais comment, il provoquait dans l’organisme des gens une soif joyeuse et communicative. Elle se propageait de l’un à l’autre et tous l’écoutaient dans une furie consommatrice. Et, dans ce waï, moi je remplissais les verres de ce soleil glacé et désaltérant qu’on appelle un flaï. Diable ! que c’était beau à voir. Chacun mettait toute sa bonne volonté à vider son portefeuille (ou à grossir l’ardoise) et satisfaire son gosier de brumes, de rêves et de paysages enivrants.

Je crois que notre collaboration, qui voyait l’un au comptoir et l’autre à la tchatche ou à l’engatse, plaisait bien au beau monde. Grâce à ce « rite » devenu quasiment immuable, nous maintenions à flot notre affaire à la Joliette. Notre bistrot avait bravé toutes les tempêtes économiques du Port. On avait tenu bon. Seulement l’adversité s’était montrée un peu trop coriace et nous, qui sait ? peut-être un peu trop tendres ! La crise nous avait bouffés.

Depuis - comme par mimétisme vis-à-vis de nos voisins maritimes - le chiffre d’affaire n’avait cessé de couler à pic. Pourtant les consommateurs ne manquaient pas, mais le liquide si. Un problème de pouvoir d’achat ! Je ne vous raconte pas les ardoises impayées, ni les coups de pieds laissés pour compte. À la fin, il n’y avait plus eu que des déboires.

Pourtant on craignait dégun. Ça non ! Au cours de notre histoire de bistrotiers, on avait fièrement résisté à l’entrave de nos libertés. Ils avaient tous essayé de nous mettre le grappin dessus. Des mafias, corse ou napolitaine, aux barbeaux locaux, sans même parler d’une bande de Viets guère civilisés… ils s’étaient cassés les dents sur cet écueil - notre obstination - en voulant contrôler tout le quartier. On avait même refusé les rentrées faciles de flouze, la tentation des machines à sous dans l’arrière-salle. On tenait à notre autonomie. Ouais, jusqu’au bout indépendants, le Robert et l’Angelot ! Notre carrière durant, nous avions eu un respect inébranlable pour un précepte de mon grand-père : « Les bénéfices doivent tinter dans ma poche et pas dans celle du voisin ». Sacré pépé, il en avait du bon sens. Son côté sarde.
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