Czeslaw Milosz

Les vieilles femmes

Courbées d'arthrite, en noir, avec des jambes allumettes,
elles s'avancent sur une canne devant l'autel, là où le Pantokrator
dans l'aurore des rayons dorés lève deux doigts.
La vive, éclairante face du Tout-Puissant,
En qui a été créé tout ce qui est, dans le ciel et sur la terre,
A qui sont soumis l'atome et la mesure des galaxies,
Se lève sur les têtes couvertes d'un châle de ses servantes
quand entre leurs lèvres flétries elles reçoivent son corps.
[ ]
Nos mères, à qui nous n'avons jamais payé notre dette,
occupés à naviguer, à parcourir les continents,
coupables et espérant le pardon.

Lui qui souffre depuis des siècles, recueille
Les éphémères, les papillons affaiblis de froid,
La blessure refermée du sein maternel,
Et les élève vers sa Théotokos humaine,
Pour que le ridicule et la douleur se changent en dignité
Et que s'accomplissent, ainsi seulement, sans plus de couleurs ni d'attrait,
L'imparfait de notre amour terrestre.