AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet

Citation de SZRAMOWO


Hamlet de Shakespeare est une histoire qui n’en finit pas. Sa petite centaine de pages en est, en réalité, cent milliards de milliards : le simple répertoire, à raison d’une seule ligne par titre, des ouvrages publiés qui lui sont directement consacrés serait plus épais que le bottin de New York ! Autant dire que si l’on voulait, ne serait-ce qu’une fois, lire tous les livres que cette centaine de pages intitulée Hamlet a suscités, la vie d’un seul n’y suffirait pas, il faudrait — et en ne faisant que cela ! — vivre plusieurs centaines d’années. Or, s’il est vrai — comme je le pense — que mettre en scène un texte classique, c’est, non seulement, mettre en scène certes un texte visible (le texte littéral, imprimé), mais, dans le même geste — et à la différence des textes contemporains —, mettre en scène un second texte, qui d’ailleurs se déploie sous le même titre que le premier mais, invisible, lui, ne se compose que de la mémoire du texte visible, de son histoire (de sa « poussière », dirait-on d’après l’expression « dépoussiérer les classiques » : gloses, commentaires, exégèses, souvenirs d’autres mises en scène, voire effets des intimidations successives par lui apportées, etc.), alors, mettre en scène Hamlet — qui est, dit-on, le classique des classiques —, c’est, convenons-en, une entreprise qui relève, d’emblée, de l’interminable même. De l’impossible. Ou de la folie. Plus encore que pour quelque autre texte, on peut dire que personne, jamais, n’a mis ni ne mettra en scène Hamlet. Plus encore que pour quelque autre texte, on peut dire que personne, jamais, ne l’aura seulement lu. Et c’est sans doute cela que j’aime. M’avancer sur ce territoire dont je ne connais — ni jamais ne connaîtrai — le début ni la fin, oser prélever pourtant une portion de cet infini, et tenter d’en entendre et d’en faire entendre quelque chose. J’appelle cela « mettre en scène ». Quant à moi, quels que soient mes autres travaux — et si divers puissent-ils paraître —, je n’aurai fait, au fond, je le sais, que mettre en scène Hamlet toute ma vie. Et je reviens toujours à lui, à sa lettre, inlassablement, tous les dix ans à peu près. Comme si c’était pour me « ressourcer », bien sûr ; ou ne pas perdre le Danemark — ce nord — trop longtemps… Comme si c’était, aussi, pour me mesurer à lui, en un duel perdu d’avance ; ou, encore, à lui me mesurer : pour prendre, à l’aune de cet absolu, la mesure de mon temps, relatif
Commenter  J’apprécie          20





Ont apprécié cette citation (2)voir plus




{* *}