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Critiques de Daniel Schiff (1)
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La Ligne de Sceaux

Réussite d'écriture: d'un paragraphe à l'autre un narrateur froid, décrivant des faits objectifs sans commentaires, cède la place à un monologue intérieur fait de petites phrases, souvent sans verbes, sans que la transition dérange, à peine visible. Et ce changement de narrateur est l'image de la fluctuation incessante de la pensée du personnage entre deux obsessions : le style reflète donc complètement le sujet, ce que j'ai trouvé bluffant.



Le personnage principal, Marc Wolf semble être dans une triple impasse : sa vie conjugale détruite -révélée par une allusion infime- , sa psychanalyse piétinante, et surtout sa carrière anéantie jusqu'à ses origines. Chercheur en physique, il doit admettre que son travail initial est nullifié par une erreur de calcul, rendant inéluctable sa relégation. Le roman est fait essentiellement de ses pensées, pendant la période où il reconnaît son erreur et ses conséquences. Comme d'autre des nains, il voit des électrons partout, grouillants, et passe en revue obsessionnellement tous les chapitres de la physique des particules et des matériaux, par vagues qui, comme sur un rivage à marée montante, se ressemblent, avancent et reculent, se recouvrent et progressent lentement. Un roman pour scientifiques, qui auront reconnu un laboratoire à la fac d'Orsay ou aux alentours, et les trajets depuis Paris par la ligne de Sceaux. Mais ce RER est aussi un transport en commun, où les deux sexes se côtoient, s’observent, parfois se frôlent, voire sont contraints aux heures d'affluence à des contacts pénibles. Pénibles ? Ou au contraire agréables, désirés, et même provoqués par Marc Wolf. La deuxième obsession du personnage est donc sexuelle, que les faits soient réels ou fantasmés. Et comme je le disais au début, les pensées de Marc Wolf oscillent entre leurs deux thèmes en permanence, sans logique, comme si elles venaient de deux parties indépendantes de son cerveau, tentant de s'exprimer en repassant au premier plan de la conscience. « Sexualité féminine, sexualité féminine le nombre d'Avogadro vaut dix puissance vingt-trois, point. » Les deux faces de la pensée ne sont même pas séparés par une virgule.



Ce tour de force, qui va jusqu'à confondre les courbes de la physique et celles du corps féminin de façon crédible, dans un soliloque qui tient de Beckett, y compris dans le malaise qu'inspirent les pratiques du chercheur, mérite quelques efforts de lecture. Encore un livre admirable d'un auteur qui n'a pas récidivé.
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