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Citation de Ledraveur


Les notions de « richesse », d'« aisance », ou de « pauvreté », de « misère » n'ont pas, dans les communautés autochtones, le sens que leur attribuent les Occidentaux. Ici les valeurs les plus « authentiques » ne se mesurent pas en dollars ou en deniers, elles ne sont pas cotées à Wall Street, et la valeur d'une personne ne s'évalue pas en fonction des biens matériels qu'il ou qu'elle expose aux regards. L'individu est apprécié — les Amérindiens s'érigent rarement en juges — selon ses qualités morales, et l'expérience révèle que le mode idéal reste celui de la philosophie traditionnelle conçue comme un système d'équilibres.
Au rang de ces qualités, il faut d'abord placer celle de la convivialité. Le sens que nous donnons à ce concept est plus large, plus englobant que celui que lui attribue l'inventeur du mot, le sociologue I. Illich (1973, : 30) : nous voulons dire toutes les attitudes mentales, tous les comportements qui posent comme principe ou qui visent à établir et à préserver des relations nécessaires et harmonieuses entre les personnes composant la communauté à laquelle on appartient et dans laquelle on se reconnaît. On l'a compris, il s'agit à la fois d'un devoir érigé en éthique et d'un besoin pour l'individu, ce qui exclut toute idée de contrainte.
La convivialité ainsi définie s'exprime de multiples façons, à chaque moment et en chaque lieu du quotidien, à Saugeen comme dans les autres réserves indiennes'. Établir un lien avec l'Autre fait partie d'une religion, au sens premier du mot (de religare : « relier »), qui est ouverture, au sens propre comme au figuré. La relation n'implique pas la parole, comme nous le montre J. Malaurie lorsqu'il parle de l'institution du polar, de la visite, chez les Inuit. Le visiteur réchauffe les corps en élevant, par sa simple présence physique, la température à l'intérieur de l'igloo, mais surtout il réchauffe les cœurs dans un pays où la solitude, qui souvent est le lot commun, peut être synonyme de folie et de mort. (Malaurie, notes de cours).
Quelque chose comme ce polar existe chez les Amérindiens, nous en avons été souvent témoins à Saugeen : un voisin, un parent, frappe discrète-ment à la porte, entre, s’assoit sur le premier siège vacant, reste un moment, feuilletant une revue ou un journal qui traîne, ou regardant la télévision presque toujours allumée... puis il s'en va, aussi discrètement. Parfois aucune parole n'a été échangée, la parole, surtout celle que nous appelons « de politesse », est inutile, et les Indiens ignorent les silences gênés. L'important, c'est qu'il ou elle, soit venu apporter un peu de sa « chaleur », sa seule présence est échange et communication. Un témoignage d'un pionnier de la péninsule ontarienne, à la fin du siècle dernier, atteste que les Amérindiens manifestaient la même attitude envers les Blancs, qu'ils attendaient d'eux ce qu'eux-mêmes étaient prêts à leur offrir :
« One of them, a great strapping man, gave my sisters a great fright /.../ by walking into the house as noiselessly as a bat, and stalking up to the fire for a light to his pipe, he sat down on a chair beside them to enjoy a smoke, without ever saying a word, and went off, when he had finished, with equal silence » (Geikie, : 230-231).
p. 205 et 206
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