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Citation de Dorian_Brumerive


Nous avons quitté le fleuve, malheureusement trop tard; et le reste de la gorge a été franchi à pied.
L'un de nos ânes est mort de lassitude près de la Louia. Bien que nos hommes mangent du zèbre et du couagga, qui appartiennent à la même famille, ils ont été choqués à l'idée de manger notre baudet. "Ce serait", disait-ils, "comme si on mangeait l'un de nous autres, car un âne vit avec l'homme et il est son intime compagnon."
Nous venons de rencontrer deux groupes des esclaves de Têté qui se rendent à Zumbo. Ils y conduisent un certain nombre de femmes manganjas qu'ils vont échanger contre de l'ivoire. Chacune de ces femmes est liée par le cou; et toutes sont attachées à une longue et même corde.
Le 21 novembre, nous avons trouvé des mangues, fruit qui annonce ordinairement les stations portugaises; et le 23 nous arrivions à Têté, après six mois d'absence.
Les deux matelots anglais, chargés du "Ma-Robert", ont joui pendant tout le temps d'une santé parfaite, et se sont fort bien conduits. Quant à leur essai d'agriculture, il a complètement échoué. Nous leur avions laissé quelques moutons et deux douzaines de poules afin qu'ils eussent de temps en temps de la viande fraîche. Ils avaient acheté d'autres volailles, en avaient doublé le nombre et comptaient sur les produits de leur basse-cour; mais ayant en même temps fait l'acquisition de deux singes, ceux-ci avaient gobé tous les œufs. Un hippopotame avait détruit le jardin. Les moutons avaient mangé les cotonniers; les crocodiles avaient mangé les moutons et les indigènes avaient enlevé les poules.
L'état d'armurier ne leur avait pas mieux réussi. Un Portugais, les croyant fort habiles, était venu avec un rifle à deux coups et leur avait demandé s'ils pouvaient le lui rebronzer. "C'est très facile", avait répondu l'un de nos marins, dont le père était forgeron; il suffit de le mettre dans le feu. Un grand feu de bois ayant été fait sur la rive, notre homme y avait déposé les malheureux canons, tout rongés par la rouille et, à sa grande surprise, les deux canons s'étaient séparés. Son compagnon et lui n'avaient rien trouvé de mieux que de recoller les deux pièces avec de la résine et de renvoyer le fusil au Portugais, en disant qu'ils ne demandaient rien pour leur peine.
Ils ont découvert une façon originale de terminer promptement leurs marchés. Après s'être enquis des prix courants, ils prennent ce qui leur convient, payent ce qui est dû; mais pas une perle avec. Si les gens demandent davantage et refusent de quitter le navire, nos matelots vont dans la cabine et en font sortir un caméléon. À peine les indigènes ont-ils vu cet animal, dont ils ont une frayeur mortelle, qu'ils sautent par-dessus bord et s'éloignent au plus vite. Le caméléon apaise également toutes les disputes en un clin d'œil.
Ils n'ont pas seulement témoigné d'un bon caractère, ils ont fait preuve d'humanité. Un soir, émus par un cri terrible, ils se jetèrent dans le bateau : un crocodile avait saisi une pauvre femme, et la traînait sur un banc de sable. Comme ils arrivaient près d'elle, la malheureuse poussa de nouveau un cri déchirant : le monstre lui avait coupé la jambe. Nos matelots ramenèrent la pauvre créature à leur bord; ils la pansèrent, lui firent avaler du rhum, estimant qu'ils n'avaient rien de meilleur, et la portèrent dans l'une des cases du village. Le lendemain matin, quand ils allèrent la voir, ils la trouvèrent dans le plus entier abandon; on avait arraché les compresses qu'ils lui avaient mises, et la pauvre femme était mourante. Le bon Rowe, l'un de ces matelots, nous disait : "Je crois que son maître, voyant qu'elle n'avait plus qu'une jambe, nous en voulait de lui avoir sauvé la vie".

("Exploration du Zambèze et de ses Affluents")
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