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Citation de Charybde2


Le titre même de l’Ulysse de James Joyce est l’indication, la seule qu’il soit impossible de ne pas reconnaître dans l’ensemble du texte, que le récit qu’il fait d’un jour à peu près ordinaire à Dublin le 16 juin 1904, reproduit, mimique et travestit l’Odyssée d’Homère (cette histoire dont le héros, Odusseus, s’appelait Ulysse en latin). Léopold Bloom, Juif d’âge moyen démarcheur en publicité, en est le héros fort peu héroïque, et sa femme Molly est très inférieure à son prototype, Pénélope, en matière de fidélité conjugale. Après avoir traversé la ville de Dublin en tous sens pour faire courses et commissions qui n’aboutissent à rien, comme Odusseus avait été poussé par des vents contraires autour de la Méditerranée à son retour de la guerre de Troie, Bloom rencontre Stephen Dedalus et lui vient paternellement en aide, lui qui est le Télémaque de l’histoire d’Homère et l’autoportrait de Joyce lui-même, mais plus jeune, du temps où il était aspirant écrivain, plein de fierté mais sans le sou et ne s’entendant pas avec son père.
Ulysse est une épopée psychologique plutôt qu’héroïque. Nous nous familiarisons avec les personnages non pas parce qu’on nous parle d’eux mais parce que nous partageons leurs pensées les plus intimes, représentées comme une série de courants de conscience muets, spontanés, perpétuels. Le lecteur a le sentiment qu’il porte des écouteurs branchés sur le cerveau de quelqu’un d’autre et qu’il fait défiler une bande sans fin enregistrant les impressions, les réflexions, les questions, les souvenirs et les fantasmes du sujet, au fur et à mesure qu’ils sont déclenchés soit par des sensations physiques soit par des associations d’idées. Joyce n’est pas le premier écrivain à utiliser le monologue intérieur (il en attribue lui-même l’invention à Édouard Dujardin, romancier français peu connu de la fin du XIXe siècle), ni le dernier à l’avoir fait, mais il l’a porté à un tel degré de perfection que ses autres adeptes semblent bien faibles en comparaison, Faulkner et Beckett exceptés.
Le monologue intérieur est à vrai dire une technique qu’il est très difficile d’utiliser avec succès, car elle n’a que trop tendance à imposer à la narration un tempo d’une lenteur éprouvante et à écraser le lecteur sous une pléthore de détails futiles. Joyce évite ces pièges en partie grâce au génie qu’il manifeste dans son maniement des mots, qui fait de l’incident ou de l’objet les plus banals des choses fascinantes, comme si nous les découvrions pour la première fois ; mais il y parvient également en variant la structure grammaticale de son discours, combinant le monologue intérieur, le discours indirect libre et les descriptions narratives orthodoxes.
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