AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet

Citation de Charybde2


À la terrasse, le type à la gueule osseuse, physique de cycliste, j’ai repéré qu’il m’a repéré. On se lance quelques regards d’abord, et puis je donne de ce sourire qui n’en est pas vraiment un, genre de contrition du bas des lèvres, ça dit je t’ai vu, je te considère, mais je ne vais pas aller jusqu’à te sourire non plus. Lui par contre il a souri, juste avant que je déplie la carte et qu’elle recouvre la table au point d’en déborder, comme une nappe trop grande. Ca indispose le serveur qui ne sait pas trop où poser le café. Suspendu dans l’air, le bras attend de ma part que place lui soit faite, impatient devant mon absence de réaction, jusqu’à ce que le serveur articule un monsieur s’il vous plaît se voulant explicite. Comme ramené à la réalité je m’empresse de tirer la carte vers moi, sur mes cuisses plus ou moins, avant de la voir basculer et s’étaler à moitié au sol. Ça n’incommode nullement le serveur pour qui une table rase vaut mieux qu’une carte routière en bon état. Je lui pose une question sur la meilleure façon de rejoindre telle route et il me coupe en me disant qu’il n’est pas d’ici. Je me demande comment on se retrouve là quand on n’est pas d’ici. Il me reste des viennoiseries du matin, écrasées dans une poche latérale du mon pantalon, à hauteur du genou, et tandis que je pose le sachet sur la table le serveur me fait comprendre que je ne suis pas censé consommer des produits venant de l’extérieur vu qu’ils servent à manger, dans cet établissement. Je lui commande donc deux croissants au beurre, s’il lui plaît, mais il est désolé de me répondre qu’il est trop tard, à cette heure-ci je pourrais prétendre au plat du jour, blanquette de veau. Je dis ah et laisse mon regard explorer le vide comme si je réfléchissais à sa proposition. Il ajoute qu’il serait préférable que je range mes viennoiseries, il ne voudrait pas avoir à me surveiller du coin de l’oeil, et je le trouve très investi ce garçon. T’inquiète pas je lui dis tandis qu’il me regarde saisir mes croissants, me lever puis balancer le sachet en l’air jusqu’à Séville de l’autre côté de la route, contre le mur du fleuriste. En reprenant ma place je sollicite la faveur d’une autre bûchette de sucre, à condition bien sûr que cette requête ne brise aucune règle de bienséance. Ça ne le fait pas rire.
Commenter  J’apprécie          10





Ont apprécié cette citation (1)voir plus




{* *}