David Roberts

Son sang bouillonnait dans ses veines, et l'attrait de l'inconnu était plus fort que tout.

Devant eux, l'immensité du vide.

Tout autour du navire, des phoques se prélassaient au soleil sur les floes.

Personne ne pourra jamais accuser Gino Watkins d'avoir fait preuve de pragmatisme et de modestie quand il s'agissait d'imaginer ses futurs exploits.

Des mois de solitude lui paraissaient infiniment préférables à un isolement forcé avec un homme qu'il ne supportait pas.

Si jamais vous confondez ours brun et ours noir, vous risquez de vous faire dévorer.
Entendu ? Vous êtes plus attentifs, maintenant ?
Bien. Voici ce qu'il faut absolument savoir avant de vous aventurer dans la nature...

Sur les sables littoraux, les hommes découvrirent d'innombrables empreintes de renards, de loups et d'ours polaires.

La bisexualité de Gino pourrait en partie expliquer sa propension à protéger sa vie privée, et le fait même que même Jamie Scott ait fini par s'étonner de n'avoir qu'une connaissance superficielle de la vie intime de son meilleur ami alors qu'ils avaient partagé pendant neuf mois tous leurs repas et leurs bivouacs.

Gino fut en quelque sorte le Mozart de l'entreprise arctique, l'enfant prodige qui mourut avant que son génie ait pu s'épanouir pleinement.

Il est dans la nature humaine, en l'absence de véritables indices sur un événement ardemment souhaité, de se lancer dans des théories explicatives de plus en plus farfelues à mesure que la résolution se fait attendre.

Aujourd'hui, plus d'un siècle après leur mort, Scott et Shackleton sont toujours célébrés comme des explorateurs de légende, mais Gino Watkins a sombré dans les limbes, tel un "héros oublié".

Visiblement, la vallée regorgeait d'animaux sauvages : de phoques surtout, mais aussi de narvals, animaux dont l'unique défense torsadée constituait un véritable trophée de chasse.

Son meilleur ami à Lansing, le relativement ascétique Quintin Riley, alla jusqu'à accuser Gino d'inconstance. A quoi ce dernier répondit : "Mon Dieu, ne comptez pas sur moi pour aimer la même femme plus de trois mois."

Lors des bals et des soirées dansantes, Gino rencontra plusieurs femmes manifestement attirées par lui. Les ramener chez lui à Onslow Crescent, sous l'oeil sévère de Nanny Dennis, aurait bien sûr été peu approprié. Mais il est clair qu'il se permit alors plus d'une liaison.

A vingt ans, Gino Watkins avait tout du jeune casse-cou qui n'apprend rien ou pas grand-chose de ses mésaventures. Pire, il semblait s'en délecter.

Les ours peuvent être dangereux...vous ne pourrez pas dire que je ne vous avais pas prévenu.

Dans la vie, les évènements qu'on qualifie de ''réjouissants'' relèvent en réalité de deux catégories différentes : il y a ceux qu'on apprécie au moment où ils arrivent, et ceux qui sont agréables avec un peu de recul.

Ni rochers, ni parcelles de terre, ni rien de vivant ne venaient rompre la monotonie de cette plaine morne et blanche. Les longs filaments de cirrus dans le ciel et les ombres des congères sur le sol étaient tout ce sur quoi la personne qui marchait devant les traîneaux pouvait poser les yeux.
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Aux yeux de certains de ses amis, Gino passait sans doute pour un dilettante. Il n'avait jamais étudié sérieusement, avait été recalé aux examens d'entrée de la marine et les deux expéditions qu'il comptait désormais à son actif constituaient certes de glorieuses aventures mais pas vraiment un métier à proprement parler.

Trois ans plus tard, au Groenland, Gino désarçonnerait ses coéquipiers en déclarant, à propos de l'escalade : "C'est le frisson dû à la peur que j'apprécie le plus."