Des nuisances Encyclopédie

En moins d'un demi-siècle, la conjonction entre la recherche du profit immédiat et l'agronomie chimique industrielle a accumulé les prémices d'un cataclysme biologique d'une telle ampleur que l'on ne peut s'empêcher d'évoquer celui qui, à la fin de l'ère secondaire, bouleversa l'organisation des formes de la vie sur Terre. Parmi tant d'autres espèces, l'homme risque bien de ne plus y avoir sa place. Mais les plus lucides des dirigeants peuvent eux-mêmes prendre en compte cette précarité présente de l'histoire humaine, la nécessité d'en sauver les principaux résultats et d'en sélectionner ceux qui semblent promettre au vieux monde un au-delà ... Ainsi des scientifiques financés par une société américaine dénommée '' Survival '' travaillent-ils à la réalisation d'un écosystème artificiel, '' biosphère '' qui sur un hectare permettrait sous cloche l'autarcie d'un groupe humain restreint. Cet espèce de super-abri l'assurerait de traverser '' l'hiver nucléaire '' pour à nouveau ensemencer un monde mort. Mais c'est, bien sûr, avant tout la graine de la hiérarchie qu'il s'agit de transmettre à une postérité désolée et, par un tel retour à l'origine, rêve d'une table rase, fonder ainsi l'espoir insensé des dirigeants de repartir sur un terrain enfin débarrassé de tout germe de critique.

Plus réaliste que les pseudo-sciences actuelles, la poésie avait su il y a bien longtemps déjà, par la bouche d'Hölderlin, dire que l'histoire moderne avait lié le sort fait à la nature et celui de l'émancipation humaine. L'arbre de la liberté autour duquel dansait Hölderlin à Tübingen, avec Hegel et Schelling, quand la Révolution était encore un magnifique lever de soleil, cet arbre est mort sous nos yeux de notre non-liberté. Mais le programme tracé alors est toujours vrai, d'autant plus vrai peut-être d'avoir été abandonné : « Tu cherches des hommes, Nature ? Tu te lamentes comme une harpe dont ne joue plus que le vent, frère du hasard, parce que l'artiste qui en réglait le jeu est mort ? Ils viendront, tes hommes, Nature ! Un peuple rajeuni te rajeunira à ton tour, et tu seras comme sa fiancée, et par toi se renouvellera l'antique alliance des esprits. Il n'y aura qu'une seule beauté ; et l'humanité et la nature s'uniront en une divinité unique embrassant l'univers. » (Hyperion).