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Citation de levieux-patrice



Ludo

La maison Émilienne, en arrivant aux Trois Basile, on ne pouvait pas la rater… C’était une ancienne grange rafistolée par tous les bouts… Une grande bâtisse recouverte de lierre. Les murs disparaissaient sous les feuilles. Dédé, le mari Émilienne avait beau couper, tailler toute cette saleté, sans cesse, ça repoussait, encore plus dru, comme pour mieux la bouffer, la désintégrer. L’intérieur de la baraque ressemblait à une grotte. Une lumière verdie passait par l’unique fenêtre. Elle éclairait une pièce chaotique. Le sol de terre battue n’était que trous et bosses. Tous les meubles, le buffet, les armoires, le fourneau, les lits, tout était monté sur des cales. Un mobilier sur pilotis. Seuls la table et les bancs tenaient sur leurs pieds, sans prothèse pour les stabiliser. Une maison bancale, prête à s’effondrer, et qui résistait. Dans un coin de la pièce, quand j’y suis rentré la première fois, j’avais remarqué une drôle de cage, un lit à barreaux. De la cage, une petite voix avait demandé : qui vient d’entrer ? J’étais resté interdit. Bernard, le plus âgé m’avait fait signe de m’avancer. Quand je m’étais rapproché de la voix et que je m’étais penché, j’avais eu un mouvement de recul. Deux grands yeux bleus me transperçaient dans la lumière verte, des yeux perdus sous l’énormité d’un front bombé. Émilienne m’avait poussé légèrement de la main, m’empêchant tout nouveau recul. – Alors, c’est toi Ludo ? … Mon regard a fait le tour de la pièce, affolé… Puis il s’est reposé sur la grosse tête de la petite fille… -Moi, c’est Mimi… Je ne peux pas bouger, je suis comme attachée, mais j’entends et je vois clair… Tu veux bien m’embrasser… J’ai regardé Emilienne, son grand nez et ses yeux qui continuaient à s’engueuler… Je les ai tous regardés et je l’ai embrassée sur son grand front et sa pauvre tête déformée. Elle a ri comme soulagée, d’un rire de pauvre fée maltraitée. Émilienne m’a tiré sur la manche. –Viens, maintenant, elle est fatiguée, faut la laisser.
Quand je suis revenu à la ferme, j’ai demandé à grand-mère pourquoi Mimi, elle avait une tête si grosse qu’elle l’empêchait de bouger. Grand-mère m’a dit qu’elle était née comme ça, que ça arrivait parfois. J’ai dit aussi qu’elle était attachée… Grand-mère a mis du temps avant de répondre… Je vais te dire, Ludo, les enfants comme Mimi, c’est comme les ballons, au bout d’une ficelle… Si tu lâches le fil, ils s’envolent dans le ciel et tu peux plus les rattraper… J’ai pensé que Mimi, dans sa maison de feuilles, elle était comme un oiseau dans un arbre, prête à s’envoler ou qu’elle était comme les petits des hirondelles, dans l’étable. Fallait attendre, comme Jacky me l’avait dit, que leurs plumes poussent pour qu’ils puissent quitter leur nid.
Dès que je pouvais, j’aimais bien rendre visite à Mimi dans son nid. Elle était souvent joyeuse et souvent aussi, elle dormait. Elle se fatiguait vite, disait Émilienne, fallait pas la réveiller…
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