N°28
Avril 1989
DESCARTES LE SCANDALEUX – Dimitri DAVIDENKO – Editions ROBERT LAFFONT.
Enfin un livre qui démystifie Descartes et nous donne à voir le personnage tel qu’en lui-même !
Français tout d'abord, il devient rapidement citoyen du monde. Étrange destin que celui de René Descartes en vérité. Ne dit-on pas qu'il est né dans un fossé. Très tôt orphelin de mère, abandonné par son père aux bons soins d'une nourrice on attend sa mort à cause d'une maladie des poumons. Pourtant, il survit , solitaire et entre par hasard chez les Jésuites. Il en ressort bardé de diplômes mais écœuré de la scolastique comme il le sera plus tard du droit et de la justice.
Et pourtant, ce jeune homme au savoir universel ne sait qu'une chose : qu'il ne sait rien tant il a l'intuition que tout est à redécouvrir et que tout ce qui lui a été enseigné est fortement sujet à caution.
Las de tout cela, il prend une décision, il sera officier puisque l'art de la guerre l'intéresse. Nous le retrouvons mercenaire. De cette période vécue en Hollande, en Allemagne, il gagne le goût du plus précieux des biens : la liberté mais il n'oublie ni la philosophie, ni les mathématiques ni la physique et ses campagnes lui permettent avant tout de rencontrer de grands esprits. La guerre, il la fait parfois comme espion, mais surtout comme un véritable professionnel. C'est un peu un défi qu'il relève, désireux de se débarrasser de sa défroque d'adolescent, de mériter sa majorité légale [26 ans à l'époque], d'avoir le droit d'être un homme!
Au retour, il est un libertin, un bretteur redoutable craint des maris jaloux, un Don Juan dont toutes les femmes rêvent et dont beaucoup feront un petit bout de chemin avec lui, des plus humbles aux plus illustres. Il aime la vie, l'alcool, les femmes, le jeu et l'argent lui file entre les doigts...
Pourtant, un jour, il disparaît ... Nul ne sait où il se cache... Puis de retour, le cavalier à l'habit vert se change en petit homme noir qui déclare « ne plus faire profession de poltronnerie », se transforme en bourgeois calviniste qui place ses économies chez un banquier et devient même un sage père de famille, mais surtout quelqu'un qui répand sur la terre sa science, sa sagesse, sa philosophie, sa « mathématique ».
Il a tellement supplanté ses contemporains par la puissance de son esprit qu'on ne lui pardonne pas ses prises de position contre l'Église, contre la foi, contre la science...il finit par fuir en Hollande puis en Suède où il mourra.
Tel était Descartes, ce philosophe libre, c'est à dire hors des systèmes, ce marginal de génie, cet autodidacte au savoir encyclopédique, mais aussi cet amoureux de la vie que les manuels scolaires où la plupart d'entre nous avons fait sa connaissance ne nous dépeignaient pas exactement ainsi.
Nous sommes en France, tous un peu cartésiens, dit-on! Ce n'est sûrement pas tout à fait vrai , mais après ce livre qui remet les choses à leur vraie place, nous nous sentons tous un peu ses enfants naturels.
© Hervé GAUTIER.
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