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Citation de lefildelaure


Pendant trois jours, l'Ienissei va rassembler ses forces. Pendant trois jours, de tous les ravins, combes et bassins de la taïga, l'eau du dégel va couler vers le fleuve va couler vers le fleuve dans un joyeux bruit fait de murmures et de tintements, soulevant la croûte maculée et sombre. Le troisième jour, quittant leurs administrations et leurs maisons assombries, les yeux fous, les habitants de la ville, eux-mêmes envahis par l'afflux des forces primitives du réveil, vont se rassembler sur la rive et regarder la reprise du puissant mouvement du fleuve. La glace roule et se brise dans un crissement et un bruissement comme si des masses considérables de verres se cassaient et se déversaient. De hautes tours s'élèvent pour disparaître et se reformer. Tels d'énormes charrues, des blocs de glace arrachent des morceaux de berge. Tout tourbillonne, crépite, tinte, se précipite vers le Nord. Puis tout s'arrête ! Quelque part en aval, la glace bloque les eaux du fleuve ! Le mouvement vers le Nord est stoppé. Mais, en amont, de nouvelles masses d'eau et de glace dotées d'une puissance phénoménale avancent dans un bruit de craquement et de clapotis. Les blocs se coincent, se superposent, s'échappent en surface, érigeant des remparts, des tours, des barrages. L'eau monte à vue d’œil en une seconde : elle se tenait en bas dans les profondeurs et la voilà qui bouillonne déjà à nos pieds, menaçant de tout inonder alentour. Les plaques de glace semblent maintenant se ruer sur la ville comme pour la briser. Brusquement, des trombes d'eau s'abattent, le rempart a cédé et les flots glacés se précipitent avec une rage folle vers le Nord. En deux ou trois jours, le milieu du fleuve est presque nettoyé. Il ne reste que des amoncellements de glaçons qui se sont échoués sur les bancs sablonneux des berges et qui étincellent au soleil. L'eau s'écoule, froide et bleue, l'air est transparent et pur, le silence de la taïga, un temps troublé, s'impose et règne à nouveau. Les oies de passage installées sur les rares blocs de glace se reposent et criaillent doucement. Et soudain, comme si un canon tonnait sur les rives désertes, un morceau de mur se liquéfie puis s'effondre. Les oies, effrayées, prennent leur envol en cacardant... Puis à nouveau le silence.
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