Comme la semaine précédente, le dîner fut un moment d'intimité et de découverte hors du temps, dont ils savourèrent chaque bouchée. Quant à leur deuxième nuit d'amour, elle fut tout simplement magique. Ils s'avouèrent l'un et l'autre qu'ils n'avaient pas connu depuis très longtemps un moment de partage aussi fort et une telle complicité des corps.
Dans les régions polaires, où l'hiver dure presque toute l'année, si la banquise n'est pas brisée, les gens ne se rencontrent pas. Dans nos contrées tempérées, il n'est point besoin de casser la glace pour établir des relations. En revanche, nos peurs et nos angoisses forment une couche glacée qui nous protège de l'autre, que nous percevons d'abord comme un intrus. C'est une sorte de liquide amniotique qui aurait gelé. Toutefois, un petit signal encourageant suffit souvent à fracturer cette couche protectrice. Ce peut-être un sourire, un regard bienveillant, la douceur de la voix, un geste attentionné.
.... Pour réussir le passage vers l'autre, il faut écarter les zones les plus froides de notre personnalité. Cela demande beaucoup d'énergie, mais cet effort pour rencontrer l'autre n'est possible que si nous sommes déjà prêts à établir la relation.
pages 185-186.
Il faut dire aussi que, pour les Bellevallois, la ville, c'était surtout le repaire des parasites. Ceux de l'été, d'abord, que l'on appelait les doryphores, qui se croyant tout permis, considéraient le pays comme un gigantesque camp de vacances et ses habitants comme de gentils animateurs. Puis leur succédaient ceux de l'automne, qui vandalisaient les coins à champignons ou accaparaient insidieusement les territoires de chasse. Au pays, on n'aimait pas beaucoup ces gens-là, mais on les acceptait. Ils amenaient un peu de distraction au village, et surtout un peu d'argent dans les poches des autochtones qui avaient rapidement compris le parti qu'ils pouvaient en tirer. Les citadin étaient en effet souvent prêts à payer très cher ce qu'on pouvait leur vendre ici sous le label "authentique".
C'était un autre temps. un temps avant que l'ordinateur, le numérique et la Toile n'envahissent l'espace de la connaissance et de la communication. C'était un temps où l'on respectait ses professeurs, qu'on les apprécie ou qu'on les déteste, car ils détenaient le savoir et que, face au savoir, on devait garder le silence et la tête nue...
... Il avait surtout appris que l'on pouvait voir de la clarté parmi les ombres et la faire partager. Cela s'appelait le respect de l'autre, l'acceptation de la différence, l'intelligence du cœur, le côté humble de la vie, l'espoir.
pages 169-170.
Ce matin-là, comme tous les matins, Édouard avait été réveillé par le chant gazouilleur d'une famille de mésanges qui avait élu domicile devant sa maison, dans un gros chêne pluricentenaire surnommé affectueusement Mathus.
Perdre une personne aimée est toujours une épreuve terrible, on ne s'y habitue jamais, il n'y a pas de vaccin pour cela. Mais perdre un enfant, il n'y a rien de pire.
page 160-161.
Il avait compris toutefois qu'il serait toujours un étranger au pays, mais il avait appris que l'étranger commençait parfois au village d'à côté.