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Citation de LaurentGrisel


Le jour où Honoré prit la photo qui fit pleurer Léo sous le chapiteau, une lumière dorée enveloppait la peau de Gabrielle d’une douceur qu’elle ne ressentait pas.
- Tourne-toi sur la gauche, vers la porte-fenêtre.
Elle avait regardé le ciel par-dessus le toit.
- Ne bouge plus.
Honoré dessine Gabrielle telle qu’il la voit. Bras droit replié derrière sa tête légèrement penchée, ce qui étire sa nuque. épaules dégagées. Seins qui prennent forme depuis qu’elle a eu ses règles le lendemain d’avoir fait l’amour. Pubis jaune citron. Intérieur de la cuisse tatoué d’ailes d’oiseau.
Le corps qu’il voit elle le voit aussi quand elle se regarde dans le miroir. Mais ce n’est pas le seul. D’autres corps existent sous ce corps visible. Des corps aléatoires, fugitifs, qui surgissent et disparaissent en un instant, qu’elle attrape parfois entre deux rapides battements de cils. L’un est si transparent, si léger, trace impalpable d’une absence, qu’elle voit ce qu’il y a au-delà. À l’opposé, un autre est si épais, si dense qu’il absorbe ce qui l’entoure et rend le monde opaque. Ils ne coexistent pas, ils surviennent, se succèdent. Elle voit aussi le corps solitaire qui s’est longtemps frotté au plaisir et à la douleur sans qu’elle parvienne à les séparer. Et enfoui au plus profond, propulsé à travers les années, le corps d’enfant qui ne savait pas que la mort existe. Aucun d’eux n’est le sien exclusivement, tous le sont.
(p. 226-227)
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