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Critiques de Dominique Godard (1)
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Ethologie de la campagne présidentielle 2017

L'éthologie entend, inspirée de la théorie de l'évolution de Darwin, de son livre sur l'expression des émotions chez l'homme et chez les animaux, et de celle des actes de paroles d'Austin et de Searle, analyser les interactions humaines sous l'angle des jeux de pouvoirs - qui se nomme dominance dans le règne animal où la lutte pour la domination n'est pas moins absente que chez l'être humain, mais où l'environnement culturel et institutionnel l'est censément. Il s'agit donc de produire des énoncés judicatoires soulignant les relations de domination entre sujets humains sur la base d'une interaction localisée dans l'espace et le temps et qui dont l'agression et sa réponse sont les composantes principales.



Des séquences de l'émission télévisée de Laurent Ruquier et des séquences filmées aussi bien sur le vif que lors d'émissions politiques servent de source à l'application de cette activité dont les bases théoriques sont détaillées en milieu d'ouvrage. La performance artistique de M. Abramovic met en évidence que la communication humaine passe aussi par le silence et le jeu de l'indifférence.



Il est à noter que les images forment la source première des analyses ici portées, des arrêts sur image en vérité de séquences filmées, sur lesquelles le lecteur est censé conclure avec la même évidence que l'auteur sur les émotions et les intentions des protagonistes. Un dialogue de l'émission de Ruquier est certes rapporté, mais il est anticipé d'une explication de la situation et accompagné de « didascalies » qui trahissent la nécessité de concevoir ces dialogues dans le cadre d'une séance filmée.



De fait, il est patent que toutes les situations qui sont ici analysées sont médiées par une caméra et une prise de son : la mise en scène est certes dénoncée au sujet de l'émission de Laurent Ruquier, mais l'éthologie ne semble pas avoir l'analyse de mise en scène filmée pour objet, mais bien l'analyse d'interactions entre humains. du coup, on s'y perd un peu.



S'il fallait dénoncer la capacité de l'image à mettre l'agression, la domination, l'aveu de soumission en scène, on pourrait se demander pourquoi le cinéma est absent de l'étude.



S'il fallait dénoncer la domination médiatique télévisuelle et la manière de soumettre le téléspectateur par la diffusion de séquences agressives, on pourrait penser que l'analyse des seules interactions humaines ne serait pas suffisante (images de guerre, de ruines, de sang, de déforestation, de chasse dans la savane, de liquéfaction d'insectes par une araignée avant absorption, crochets en gros plan…).



S'il fallait dénoncer que l'agression est le moteur de l'organisation humaine en général, façon « struggle for life » ou « for power », il ne semble pas non plus que cent pages suffisent – d'autant que la notion de « soft power » ne semble pas étrangère à ce propos et serait bien à traiter quelque part.



S'il fallait démontrer, enfin, que la campagne présidentielle de 2017 a été particulièrement caractéristique de cette violence et a tout entière tenu à cette agressivité, alors le propos manquerait singulièrement de systématisme, puisque les séances sont aléatoires et semblent choisies arbitrairement - hormis pour leur aspect médiatique : le lecteur en a forcément les images en mémoire… pour preuve, Hollande et Sarkozy fournissent leur lot de séquences eux qui… n'ont pas fait la campagne présidentielle de 2017 !



C'est là que le travail devient gênant : on ne fait plus vraiment la différence entre ce qui s'est produit et qui serait à analyser « objectivement », disons « ethnologiquement », éventuellement, pour coller à l'intention éthologique, sous l'inspiration d'une « analyse comportementale animalière » et ce qui a été mis en scène à la fois par les professionnels de l'image (caméraman et journaliste) et ceux des médias (rédaction, direction de la chaîne de télévision.



L'instrumentalisation des images par des groupes médiatiques ne semble pourtant pas, selon sa définition, relever de l'éthologie. de fait, on n'est pas tout à fait certain que l'auteur lui-même ne profite pas de son pouvoir conférée par l'autorité de sa fonction pour influencer le lecteur (psychiatre et homme de connaissance manifestement, qui plus est édité, ce qui prouve, sans second degré, qu'il a eu du « pouvoir » sur son éditeur et l'économie de sa maison, ce n'est pas rien…) : les jugements sont nombreux, y compris en dehors de toute interaction étudiée : Juppé et Sarkozy sont des « poids-lourds » de la politique (est-ce à dire que ce sont les plus agressifs ? tous les deux ?), Mélenchon est un « orateur historique »; ses intentions semblent limpides : il « n'entend pas partager sa victoire » ; plus loin : « c'est probablement son opinion »…

Les stratégies politiques elles-mêmes sont jugées (à quelle aune ?) : Jospin a fait « une erreur »…

Elles sont aussi d'apparence causales : une agressivité de Macron (médiatisée au passage sans qu'on sache son influence) établit formellement que « cette performance lui vaudra 4% supplémentaire d'intention de vote ».



On ne sait pas très bien quel est l'objet de la synthèse, l'analyse d'images, l'instrumentalisation des images, l'analyse d'interactions physiques (spontanées ou réfléchies ?), les échanges verbaux et le sens de l'à-propos, le contrôle de soi, le pouvoir ou la politique (n'y a-t-il pas d'autres lieux du pouvoir, d'autres aspects de la politique ?), la domination par le physique, par les mots (les insultes, la connaissance, le sens de la répartie ?)... Reste un vague propos selon lequel le pouvoir trouverait dans l'agressivité des ressources pour s'établir… sans doute, en effet… que ce serait le plus agressif qui aurait remporté les élections de 2017, puisqu'il aurait fait un « sans faute » dans l'attribution des marques de comportement du dominant… moui, il fallait sans doute avoir en effet de la suite dans les idées, une certaine capacité à s'imposer et un contrôle médiatique de son image, on n'en doute pas… ou alors que, par des réflexions ici ou là, la spontanéité des personnalités révèlerait une « nature » foncièrement dominante... on retrouverait ici le naturalisme anglo-saxon, mais bon… c'est toujours la même histoire : si les uns ont une nature de dominants, alors c'est que les autres aussi et que cette propriété est universelle (l'homme est foncièrement méchant comme chez Hobbes, ça resterait cohérent – même si l'auteur refuse l'idée que la notion d'agressivité soit péjorative) – mais pourquoi alors le présent livre n'est-il pas plus agressif, refuserait-il de s'imposer ? faut-il en conclure que l'agressivité physique lors d'une interaction agonistique n'est pas le seul mode de légitimité sociale et que la capacité à donner du sens serait à y intégrer, comme cherchent à le faire, par exemple, les auteurs de livres, qui s'échappent intentionnellement de l'interaction duelle ? ou bien faut-il en conclure que les autres, ceux qui n'ont pas une nature de dominant physiquement agressif auraient, à l'inverse, une nature de… de quoi ?...

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