Dominique Joss

Emportée par un maelstrom de passions, elle répondit avec une ardeur qu’elle ne cherchait plus à endiguer. La réalité effrayante n’existait plus, seul comptait cet immense amour qui l’envahissait toute, qui lui faisait oublier le monde environnant. Le danger. L’avenir et le passé dont elle ne se souciait pas. Seul ce merveilleux présent.

Eléonore ne faisait toujours rien pour l’écarter. A son abattement succédait la résignation. Au lieu de rêver à un amour impossible qui la faisait souffrir, elle devait plutôt devenir raisonnable, voir la réalité en face.
Un homme solide et affectueux lui offrait ce que toute femme désire, de l’argent, des certitudes. Bien sûr, l’amitié qu’elle éprouvait pour celui-là était à cent lieues de la passion qui éclaire la grisaille d’une vie. Mais à la réflexion, les passions ne sont-elles pas souvent des feux de paille qui s’éteignent vite et ne laissent ensuite qu’un cœur rongé d’amertume.

L’Amérique est un continent, et la France, à côté, un mouchoir de poche. Nous n’hésitons jamais à faire cent kilomètres pour aller dîner chez un ami… Evidemment, c’est plus agréable de flâner sur les rives de la Seine.

— Avez-vous peur de l’amour ?
Du véritable amour, jamais ! ... Non, elle refusait seulement l’amour factice, imparfait, qu’il lui proposait. Une aventure sans lendemain qui ne pouvait que la meurtrir.

Dans les milieux du cinéma, on s’embrasse, on s’appelle « chéri », comme on se serre la main. C’est un genre un peu superficiel, je l’avoue, mais qui ne prête pas à conséquence.

— Si vous n’êtes pas contente de ma façon de voyager, descendez et faites le restant de la route en stop. Je ne vous retiens pas. J’ai horreur des filles capricieuses dans votre genre… capricieuses et réfrigérantes !
— Vous les préférez soumises et bêlantes. Pourquoi n’achetez-vous pas une poupée grandeur nature ? Vous pourriez exercer sur elle votre autorité… sans aucune résistance.

En fait, sa façon de s’exprimer jurait avec son apparence. D’ailleurs malgré son jean râpé et sa vieille chemise, il dégageait une élégance naturelle. Et il était beau… Non pas de cette beauté fade des play-boys dont la fatuité est déplaisante. Ses traits énergiques évoquaient plutôt l’homme qui avance dans la vie sans s’occuper de ce que pensent les autres.

Au Canada nous obéissons au Code anglais qui déclare qu’un homme n’est présumé coupable que lorsque la justice a prouvé son crime. Le contraire de la loi française qui juge d’avance l’accusé coupable et l’oblige à fournir la preuve de son innocence.

Son métier de journaliste n’était pas toujours plaisant, mais si elle commençait à écouter ses états d’âme, mieux valait rester dans un bureau à Paris à réécrire les articles des autres. Sinistre perspective qui fit taire ses scrupules.

Inutile de le nier, c’est un garçon très doué, mais… mais qui a du mal à s’adapter à la politique des affaires. Beaucoup trop exigeant ! Il ne veut pas faire de concessions. Ça ne peut créer que des problèmes.