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Citation de Charybde2


Deux heures après, les deux hommes sont affalés dans des fauteuils bas sur le balcon, Daquin en peignoir, Vincent dans un tee-shirt trop grand trouvé dans la salle de bains. Cela fait une bonne demi-heure que Vincent raconte des histoires du milieu des avocats marseillais, Daquin écoute et rit. Une deuxième bouteille de champagne est entamée, le bloc de foie gras et les toasts ont été engloutis.
– Je ne veux pas entendre parler de ratatouille, dit Vincent.
Daquin soupire.
– Je comprends. C’était une erreur de casting. Pour ma peine, je vais en manger pendant trois jours, heureusement, c’est un plat qui vieillit bien.
Daquin finit la deuxième bouteille de champagne, puis se décide à parler.
– Je suis ici depuis trois jours, et j’ai l’impression de vivre au milieu de sables mouvants. Un inspecteur de mon équipe me tient par la main, et m’explique où je peux mettre les pieds et où je ne peux pas, à qui je peux parler, et à qui je ne peux pas, et je ne sais pas encore si je peux lui faire confiance ou non. D’après lui, les Stups de Marseille sont aux mains des Américains. Et d’après toi ?
– Oui, la pression américaine sur le gouvernement français est très forte et, aux Stups de Marseille, ils sont omniprésents.
– Pourquoi ?
– Raisons multiples. Pendant vingt ans, l’héroïne française aux États-Unis a été une « success story ». Les Américains pensaient que c’était un excellent sédatif à faire circuler dans les prisons. Quand la jeunesse de la bonne société a commencé à en consommer en quantité, ils ont trouvé cela moins drôle. Et puis les Américains sont foncièrement protectionnistes. Nixon a quelques amis dans la mafia de Floride qui font dans la cocaïne, une drogue produite aux portes des États-Unis. Il a entrepris de leur déblayer le terrain en liquidant l’héroïne française.
– Pourquoi on les laisse faire sur notre territoire ?
– Parce qu’ils ont gagné en 45 et que de Gaulle est mort.
– Comment la guerre Zampa – Le Belge s’articule-t-elle sur la guerre américaine à l’héroïne ?
– La question a l’air simple, j’ai peur que la réponse soit très compliquée. D’abord, aucun des deux ne semble avoir la carrure des Guérini. Le Belge essaie de faire des affaires en récupérant tous les débris qu’il trouve de la French. Aucune vision d’avenir. Zampa est plus solide. Il est multi-cartes. Un peu de drogue, beaucoup de racket et de prostitution, du classique. Et les jeux. Dans ce secteur, Nice monte en puissance, Zampa contrôle les casinos par l’intermédiaire d’un homme à lui, Fratoni, et la mairie lui est acquise. Sur Nice, il a sans doute réussi à pérenniser son entreprise.
Daquin allonge les jambes, ferme les yeux. Zampa, héritage des Guérini, assassinat de Pieri, Nice, casino du Palais de la Méditerranée. Pas de hasard. Mais quel enchaînement ? Il soupire.
– Marseille est une ville terrifiante. Tout le monde se connaît, tout le monde se surveille, tout se sait et rien ne sort.
– Je vais le dire d’une autre façon : c’est une ville remarquable par la densité de son tissu de relations sociales.
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