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Citation de Malahide75


Mais dépression n'était pas le mot juste. Il s'agissait d'un plongeon dans le chagrin et le dégoût, ça allait bien au-delà de la sphère personnelle, une nausée écœurante en réaction à l'humanité et à toute entreprise humaine depuis la nuit des temps, et qui me lessivait. Les convulsions répugnantes de l'ordre biologique. La vieillesse, la maladie, la mort. Pas d'échappatoire. Pour personne. Même ceux qui étaient beaux étaient comme des fruits ramollis sur le point de pourrir. Et pourtant, tant bien que mal, les gens continuaient de baiser, de se reproduire et d'affourager la tombe, produisant de plus en plus de nouveaux êtres qui souffriront comme si c'était chose rédemptrice ou bonne, ou même, en un sens, moralement admirable : entraînant d'autres créatures innocentes dans le jeu perdant-perdant. Des bébés qui se tortillent et des mères qui avancent d'un pas lourd, suffisant, shootés aux hormones. Oh, comme il est mignon ! Ooooooh. Des gamins qui crient et qui glissent sur le terrain de jeux sans la moindre idée des futurs enfers qui les attendent : boulots ennuyeux et emprunts immobiliers ruineux, mauvais mariages, calvitie, prothèses de la hanche, tasses de café solitaires dans une maison vide et poche pour colostomie à l'hôpital. La plupart des gens semblaient satisfaits du mince vernis décoratif et de l'éclairage de scène artistique qui, parfois, rendaient l'atrocité basique de la condition humaine plus mystérieuse ou moins odieuse. Les gens s'adonnaient au jeu, au golf, travaillaient, priaient, plantaient des jardins, vendaient des actions, copulaient, achetaient de nouvelles voitures, pratiquaient le yoga, redécoraient leurs maisons, s'énervaient devant les infos, s'inquiétaient pour leurs enfants, cancanaient sur leurs voisins, dévoraient les critiques de restaurants, fondaient des organisations caritatives, soutenaient des candidats politiques, assistaient aux matches de tennis de l'US Open, dînaient, voyageaient et se distrayaient avec touts sortes de gadgets et de trucs, se noyant sans cesse dans l'information, les textos, la communication et la distraction tous azimuts pour tenter d'oublier : où nous étions et ce que nous étions. Mais sous une forte lumière il n'y avait rien de positif à voir. C'était pourri de A jusqu'à Z. Faire vos heures au bureau ; pondre consciencieusement vos 2,5 enfants ; sourire poliment au moment de votre départ à la retraite ; puis mâchouiller votre drap et vous étouffer sur vos pêches au sirop en maison du même nom. Mieux valait ne jamais être né – ne jamais avoir désiré quoi que ce soit, ne jamais avoir rien espéré.
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