Le chardonneret. Bande d'annonce officielle.
Si un tableau se fraie vraiment un chemin jusqu'à ton cœur et change ta façon de voir, de penser et de ressentir, tu ne te dis pas « oh, j'adore cette œuvre parce qu'elle est universelle », « J'adore cette œuvre parce qu'elle parle à toute l'humanité ». Ce n'est pas la raison qui fait aimer une œuvre d'art. C'est plutôt un chuchotement secret provenant des ruelles. Psst, toi, hé gamin, oui, toi. Un bout de doigt qui glisse sur la photo fanée.
Il ne faut pas s'offenser que les autres nous cachent la vérité, puisque nous nous la cachons si souvent à nous-mêmes.
François de La Rochefoucauld
p381
La plupart des gens semblaient satisfaits du mince vernis décoratif et de l'éclairage de scène artistique qui, parfois, rendaient l'atrocité basique de la condition humaine plus mystérieuse ou moins odieuse. Les gens s'adonnaient au jeu, au golf, travaillaient, priaient, plantaient des jardins, vendaient des actions, copulaient, achetaient de nouvelles voitures, pratiquaient le yoga, redécoraient leurs maisons, s'énervaient devant les infos, s'inquiétaient pour leurs enfants, cancanaient sur leurs voisins, dévoraient les critiques de restaurants, fondaient des organisations caritatives, soutenaient des candidats politiques, assistaient aux matches de tennis de l'US Open, dînaient, voyageaient et se distrayaient avec toutes sortes de gadgets et de trucs, se noyant sans cesse dans l'information, les textos, la communication et la distraction tous azimuts pour tenter d'oublier : où nous étions et ce que nous étions.
chaque fois que tu vois des mouches ou des insectes dans une nature morte - un pétale fané, du noir sur la pomme - le peintre te transmet un message secret. Il te révèle que les choses vivantes ne durent pas, que tout est temporaire. La mort au cœur de la vie. D'où leur nom, des natures mortes.
P31
Vitrine inondée de lumière. Lueur mortuaire émanant du compartiment réfrigéré. Au-delà du verre condensé de brouillard et dégoulinant d'eau, des branches ailées d'orchidées frémissaient sous l'effet du courant d'air du ventilo : blancheur fantômatique, lunaire, angélique. Sur le devant étaient disposées les fleurs les plus farfelues, dont certaines se vendaient à des milliers de dollars : chevelues et veinées, mouchetées, avec des crocs, tachées de sang et l'air diabolique, dans des couleurs qui allaient de la moisissure de cadavre au magenta des ecchymoses - il y avait même une superbe orchidée noire dont les racines grises ressortaient de son pot, couvertes de mousse tels des serpents.
Chap XIX p 603
Boris et ses pulsions désordonnées, sa noirceur, son imprudence, toujours à prendre des risques, démarrant au quart de tour sans réfléchir ; Boris pâle et vaseux, avec ses pommes volées et ses romans en russe, ses ongles rongés et ses lacets qui traînaient dans la poussière ; de la graine d'alcoolique, capable de jurer couramment en quatre langues, piquant la nourriture à sa guise dans mon assiette et tombant soûl par terre, le visage rouge comme si on l'avait frappé ; Boris me manquait.
Ce n'est pas la raison qui fait aimer une œuvre d'art. C'est plutôt un chuchotement secret provenant d'une ruelle.
Nous n'aimons pas le reconnaître mais l'idée de perdre contrôle est quelque chose qui fascine plus que tout...
Mon amie romancière Ann Patchett compare l'écriture à l'élaboration d'un soufflé, et c'est exactement comme ça que ça se passe en ce qui me concerne: tandis qu'on écrit, on ajoute de l'information comme du blanc d'œuf à la pâte. Et ça finit par monter.
Interview Bibliobs.
– Et tu l’aimes, oui. Mais pas trop.
– Pourquoi tu dis ça ?
– Parce que tu n’es pas en colère, dans tous tes états ou en train de pleurer ! Tu ne hurles pas que tu vas l’étrangler de tes propres mains ! Ce qui veut dire que ton âme n’est pas trop liée à la sienne. Et c’est bien. Tu veux mon expérience ? Tiens-toi à l’écart de celles que tu aimes trop. Ce sont celles-là qui te tueront. Ce qu’il faut pour vivre heureux dans le monde, c’est une femme qui a sa propre vie et te laisse vivre la tienne.
Il m’a tapé deux fois sur l’épaule puis il est parti, me laissant les yeux perdus sur le présentoir de l’argenterie avec un sentiment de désespoir renouvelé face au merdier de mon existence.