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Citation de Presence


Encore une fois un livre. Encore ?... Un carnet de voyage ? Je suis assis dans un jardin, quelque chose comme un jardin. La couleur dominante est celle de la brique, du beige aussi avec des taches vertes. On est environ à 1.700 mètres d’altitude, début décembre, il fait doux. Il y a des arbres dans ce jardin, des ciruelos, une espèce de prunier dont les fruits ont le goût des oranges, un peu, avec un gros noyau. Deux maisons se font face, dans celle qui est dans mon dos il y a Anne, Anne écrit pour plusieurs journaux français. Devant, il y a celle où je loge avec elle, elle c’est Neige. Je l’entends rire avec Magali dans la cuisine. Magali donne des cours de philosophie dans une université à Cuernavaca. Suspendu aux branches du ciruelos qui me fait de l’ombre, il y a un hamac, dans le hamac il y a Manuel. Il vient du Honduras, il fait une halte ici avant de partir pour le Michigan, où il est étudiant en littérature. Il est quatorze heures. La table sur laquelle j’ai mis ce carnet est ronde et en béton, de la céramique bleue est incrustée sur le dessus. Des insectes inconnus se promènent sur les pages blanches. Un chat borgne fait sa toilette, deux chiens dorment au soleil, de gros pétards explosent quelque part, pas très loin. Le son des explosions s’en va cogner dans les montagnes, il revient en écho rappelant le tonnerre, c’est surréaliste dans ce ciel bleu. Des coqs chantent dans la campagne alentour, le chien noir se met à l’ombre, un cavalier avec un sombrero passe au-delà du portail sur un chemin de terre surplombant le lit d’une rivière à sec. Il est suivi d’un mulet chargé de sacs de maïs. Le Mexique ressemble à un film dont l’action se passe au Mexique. Encore une fois un livre… Pour dire quoi ? Le chemin ? Mon chemin ? Combien de fois vais-je encore dire mon chemin ? Il m’est arrivé d’écrire que la création ne commence pas quand on arrive devant notre précipice mais quand on y descend. Suis-je aujourd’hui capable de descendre dans celui qui s’appelle Mon chemin du Mexique ? Même avec des cordes ?... Dans cette chambre, sous la scorpionnaire, Neige dort. Je vais me doucher faire du thé et remonter la réveiller. Dans ce voyage, il n’y a pas que celui que je fais en venant au Mexique, il y a celui que je fais depuis plus de dix ans avec Neige. Des bouts de voyages, des interruptions, des retrouvailles. Là, on se retrouve. Aller dans le précipice, c’est oser parler de ce voyage patchwork, écrire sur Neige et moi dans ce pays qu’elle a choisi pour être ailleurs. J’ai soixante-cinq ans, Neige en a trente. Il est profond le précipice, il est terriblement profond.
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