À la question « Pourquoi écrivez-vous ? », Samuel Beckett répondait : « Bon qu'à ça. » le recueil de poèmes que publie Dominique Ané (alias Dominique A) en cette rentrée s'ouvre sur une question cousine : « Doué pour quoi faire ? Presque rien ». Si on veut
! Fort d'une discographie impressionnante et de plusieurs livres, Dominique A ne lui en déplaise est extrêmement doué, et déjà un phare pour beaucoup d'artistes. le public considérait déjà son art de la chanson comme éminemment poétique ; voici un cap franchi avec ce somptueux recueil de poèmes. Il nous en lit des extraits, accompagné en voix et en musique par deux artistes magnétiques : Lou et Mahut.
Crédits chanson :
La poésie
Auteur/Compositeur : Dominique Ané
Ça revient
Auteur/Compositeur : LOU
La mort d'un oiseau
Auteur/Compositeur : Dominique Ané
Comme au jour premier
Auteur/Compositeur : Dominique Ané
À lire Dominique Ané, le présent impossible, dessins d'Edmond Baudoin, coll. « L'Iconopop », éd. L'Iconoclaste, septembre 2022.
À écouter Dominique A, « le monde réel », Cinq7/Wagram, septembre 2022.
À voir Exposition « POÉSIE » Collection agnès b., jusqu'au 22 janvier 2023, La Fab., place Jean-Michel Basquiat, Paris 13e.
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Je me sentais exclu, comme toujours, de l'univers de mes camarades, et je pressentais que le seul avenir possible, pour moi, ç’allait être une mansarde garnie d'une chaise, d'une table et d'un lit où j'allais pourrir toute ma vie. Une vie courte, quarante ans au grand maximum pendant lesquels j'écrirais un roman sans fin, un roman illisible qu'ils découvriraient après ma mort, près de mon cadavre mais dans lequel se trouverait le tout, toute la vérité sur l'existence et l'inexistence, le monde entier avec tous ses détails et son sens.
Aujourd'hui les feuilles qui tombent des platanes sont grises comme un ciel triste.
Il me semble qu'avant elles étaient pleines de couleurs.
Si je dis à un enfant : " Ce monsieur n'est pas comme nous", je n'ai pas besoin d'autres explications. Mon affirmation est gravée dans la tête de cet enfant.
Si je dis le contraire : " Ce monsieur est comme nous"... " Il a les mêmes droits, ses enfants sont pareillement intelligents que toi...etc...etc...etc " là, il faudra que j'explique longtemps, et que je me répète souvent.
Qu'as-tu appris dans ton voyage ?
Que d'aller de l'autre côté de la terre ou faire le tour de son village c'est le même voyage. Que c'est juste une question de regard.
Il m’expliquait qu’un grand patron travaille bien plus intelligemment sur un terrain de golf qu’enfermé dans son bureau. Depuis, quand je passe aux abords d’un de ces camps de concentration pour riches, je pense aux arbres plantés là, à la quantité d’informations qu’ils ont sur l’élaboration de ce qu’on appelle « les plans sociaux ».
J'avais échafaudé le fantasme de l'emmener ici, chez elle, une dernière fois. J'imaginais, comme dans le film japonais La balade de Narayama, être le fils accompagnant sa mère en haut d'une montagne pour mourir. J'aurais, le matin avant de partir, empli mes poches de barbituriques. Et arrivés aux Sauches, nous nous serions assis sur l'air devant sa maison, nous aurions déjeuné, je lui aurais raconté une histoire, elle ne l'aurait pas comprise, son cerveau n'accrochait plus rien Ensuite, après l'avoir embrassée et embrassée encore, je lui aurais fait avaler les cachets. Je ne l'ai pas fait, elle est morte à l'hôpital, ce fut lamentable.
- C’est quoi le nom à la femme ?
- Pas de nom. Interdit.
- Ha bon ? Elle aussi, elle a perdu son nom ?
- Oui. Il ne lui en reste même pas le début. (*)
- Ben, on va lui donner un nombre alors, comme à moi [...]. «4.21» on va l’appeler, parce que, elle, elle a tiré le gros lot.
- Si tu veux, disons 4.21.
* : le témoin de la scène de crime s’appelle Pi comme Pierre par exemple.
" On naît et on meurt. Et à partir de cela on est en face de :
" Qu'est-ce qu'on fait ? Qu'elle est notre responsabilité avec ce temps de vie, avec : Aujourd'hui, c'est un beau jour pour mourir. "
La vie, c'est un rapport à la mort, c'est tout.
La mort n'est pas embêtante ! Elle est juste la raison de vivre. "
[ extrait du film " Un chemin avec Edmond " :
https://vimeo.com/140663495 ]
Son plus grand plaisir était de rentrer chez lui et, tout en mangeant la soupe avec sa femme ... de regarder la télévision. La télé était une «Ducretet-Thomson» et sa femme se prénommait Colette. Toutes deux fonctionnaient parfaitement.
J’ai des petites taches brunes sur le dessus de la main, la peau qui vieillit. Jeanne appelait ça « les fleurs de cimetière ». Mais comment dire que j’en ai aussi sur la queue ?