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Citation de Piatka


Edmond Haraucourt
LE LEGS

Je te lègue cet hymne où j'ai mis ton sourire,
Ô mon inaccessible amie, et ton regard :
Voici les vers où ta beauté venait s'écrire.
 
Ils sont presque ton oeuvre et tu les connais tard,
Puisque je les ai dits trop loin de ton oreille ;
Mais de tout ce qui fut mon âme, c'est ta part.

Lorsque je serai mort et que tu seras vieille,
Mon amour restera la fleur de ta beauté,
Et par lui survivront les fleurs mortes la veille.
 
Tu ne dois plus mourir depuis qu'il a chanté,
Car le verbe est debout hors du temps méprisable,
Et ce qui fut pensé dure en l'éternité.
 
Les siècles passeront, comme un vent sur le sable,
Et leur souffle de nuit peut balayer les cieux,
Mais rien n'abolira la rêve impérissable.
 
Hors des âges ! Le verbe est l'essence des dieux,
La chair s'immortalise en devenant l'idée,
Et je te fais ce don d'avoir vécu tes yeux !
 
J'ai pensé ta blancheur furtive, et l'ai fondée ;
J'ai créé tes cheveux et le bruit de ton pas :
Ils seront, et la Mort en est dépossédée.
 
Prends donc ces vers, par qui tu ne périras pas,
Vers immortels, encor que nul ne les connaisse,
Et mets-les sous ta nuque à l'instant du trépas,
 
Pour que tes cheveux blancs dorment sur ta jeunesse .
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