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Citation de Cannetille


Tu ne dois pas avoir peur de moi ; crains ceux qui comme toi se sont dressés sur leurs deux pieds et ont répandu la terreur parmi les bêtes en déclarant qu’ils étaient le sel de la Terre, le parangon de la Création, l’œuvre préférée du Créateur suprême. Je vais te dire : il n’y a pas eu de Création, il n’y a pas de Dieu, le monde a toujours existé.
Cette forêt, la rivière, les étoiles au-dessus de nous ; tout a toujours été là et y restera quand le temps, cette ridicule entéléchie humaine, aura pris fin avec le dernier des hommes, parce que le monde est éternel et que seuls les hommes meurent. Regarde la rose refleurir toujours égale à elle-même, regarde le crapaud émerger de la boue une fois que les pluies reviennent, regarde le soleil et la lune, traçant sans répit des arcs à l’éclat d’acier sur la voûte céleste ; tout revient, seul l’homme meurt pour toujours, c’est pour cela qu’il cherche obstinément une rédemption qui ne viendra pas parce que sa finitude n’est pas un châtiment ou une récompense. Il ne devrait pas avoir peur mais plutôt célébrer le fait qu’il en soit ainsi, car l’homme ne semble pas concevoir les implications ultimes de ses désirs d’éternité : imagine simplement cette répétition perpétuelle, incessante, dont je t’ai parlé, que les malheurs et les châtiments n’aient pas de fin. Cette vie endiablée serait l’enfer. Tu ne crois pas ?
Pour ta bonne fortune, l’infinitude et la conscience ne dorment pas ensemble. C’est ainsi, sans raison ; il n’y a rien à comprendre.
Et pourtant l’homme ne se contente pas de sa condition, il n’accepte pas cette absence de raisons. Il a bâti un monde à l’intérieur du monde, une illusion à son image dans laquelle tout est imbriqué, tout a un sens ; un lieu où même la mort a une explication : c’est un châtiment pour son orgueil, le même orgueil qu’il a levé tel un château de cartes. Il se trompe, feint de ne pas comprendre que son monde a la solidité d’un jeu d’enfant. Le gamin prend un bâton et dit : j’ai une épée ; l’homme se touche la poitrine et pense : j’ai une âme.
Tu ne dois pas avoir peur de moi, car je ne convoite rien et encore moins ce que tu ne possèdes pas. Ton âme est sauve, je ne la volerai pas, mais elle ne montera pas au ciel non plus ; quand tu mourras elle se dissipera comme le givre à midi. Les hommes sont des simulacres qui s’arrogent le droit d’imposer la vérité, de placer sur leur tête ce Dieu absurde qui existe pleinement, puissance absolue, connaissance totale et amour illimité. Comme je te l’ai dit, il n’y a pas de Dieu ou je suis Dieu ; peu importe. Je ne veillerai pas sur toi, tu n’iras pas au paradis. Ce qu’il y a là-haut est comme ce qu’il y a en bas : le bruit et la fureur règnent parmi les sphères célestes. Il n’y a pas de trêve, femme ; c’est pour cela que je dors.
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