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Citation de Livretoi


p210 à 218
Oh, ce petit frisson-là était inattendu ! Jesus avait réussi à attirer son attention. Aucun doute, il méritait un «A» pour la constance de ses efforts, et il faisait assurément meilleur usage de sa langue que lorsqu’il lui murmurait des compliments ineptes depuis l’oreiller voisin, montrant à Meg que sous le tueur sans pitié se cachait un petit garçon timide qui laissait la tendre influence hispanique de sa mère, déjà plus que flagrante dans le choix de son prénom, donner une douceur sifflotante à son accent texan par ailleurs endurci et étouffé par un vieux père terrifiant, ancien militaire, ivrogne, chauffeur routier et adepte des coups de ceinturon. Meg connaissait déjà cette histoire assommante.
Elle se rendit compte quelle n’avait pas soupiré depuis une éternité. C’était peut-être le moment – voire même de pousser un gémissement.
« Ne t’arrête pas, soupira-t-elle en reprenant son souffle. S’il te plaît n’arrête pas. »
S’il s’arrêtait, il allait se mettre à parler. À tout prendre, elle préférait ça, même s’il était tentant de crier sa frustration, tout en se débattant comme une épileptique pour donner l’impression quelle était en pleine extase sexuelle.

…/… « Ah, mon Dieu, comme c’est bon...», grogna-t-elle.
La vitesse avec laquelle elle se lassait de ses amants avait quelque chose d’effarant. J lui avait paru si excitant la nuit d’avant, avec son jeune corps resplendissant, sa concentration fiévreuse digne d’un homme engagé dans une course contre la montre pour désamorcer une bombe atomique, mais qui ne visait là qu’à faire déferler en elle d’incessantes vagues de plaisir. Comment, alors, pouvait-il lui apparaître ce soir comme un mauvais remake ? Ce n’était certainement pas dû au seul fait que Dr Bob ne se trouvait pas cette fois dans la chambre d’a côté, ce qui limitait un peu le plaisir de s’abandonner à des hurlements ostentatoires. Elle n’était pas superficielle à ce point, même si elle avait éprouvé un certain contentement pervers à savoir qu’il était allongé de l’autre côté du mur, livré aux affres de la jalousie ou, pour le moins, de l’insomnie. Dans un monde meilleur, J aurait peut-être tenu quelques semaines, ou bien elle l’aurait gardé au chaud comme une simple opportunité sexuelle à saisir quand bon lui semblait, mais la pression des circonstances allait l’obliger à demander à cet homme un service très particulier. Elle n’aurait pas le temps d’enrober sa demande, si ce n’est pour lui donner l’allure d’une nécessité qui lui brisait le cœur. Elle allait faire couler des larmes aussi muettes qu’abondantes, sincèrement anéantie par le fait d’être obligée, insoutenable fardeau, de lui demander une chose aussi peu naturelle, mais pressentant aussi que, face à ses larmes, J serait désarmé, lui qui avait passé la majeure partie de sa jeunesse entachée de violence à réconforter sa femme battue de mère quand elle pleurait dans un coin de leur pavillon.

…/… Pourtant, elle avait conscience que cet effondrement soudain de son enthousiasme érotique n'était qu’un cas parmi tant d’autres. Tous ses amants dormaient au bord d’un précipice qui semblait se rapprocher à chaque nouvelle liaison. Cette érosion côtière allait-elle s’arrêter un jour ? Ou bien se poursuivrait-elle jusqu’à ce que Meg elle-même bascule dans le gouffre et aille rejoindre ce tas de cadavres désarticulés en bas, sur la plage ?
L’amour n’était que théâtre, bien sûr. Meg en était le metteur en scène éternellement insatisfait, mais aussi la star autour de laquelle tout le spectacle était bâti. Si le premier rôle masculin se retrouvait viré, quelle qu’en soit la raison, il y aurait toujours une doublure pour le remplacer. Les autres membres du casting ne comptaient pas vraiment. Ils n’avaient aucune raison autonome d’exister. C’étaient des multiples de zéro.

…/… Dans le cas de J, la relation se révélerait particulièrement brève, car il ne serait pas opportun d’être vue en sa compagnie une fois qu’il lui aurait rendu ce petit service ; à vrai dire, et c’était plutôt triste, Kevin allait sans doute devoir éliminer tout semblant de trace permettant de remonter jusqu’à elle. Le problème, quand on demandait à des gens d’effacer toutes les traces, c’est qu’ils devenaient eux-mêmes des traces. Qui pour éliminer l’éliminateur ?

…/… Estimant que l’heure du grand cri était sans doute venue, Megan se mit à haleter et à tendre ses muscles. Se surprenant à savourer la sensation d’avoir la tête de J enserrée entre ses cuisses fermes, elle s’arc-bouta et durcit son étreinte. Elle ne put s’empêcher de penser qu’il ne s’était sans doute pas retrouvé en aussi mauvaise posture depuis l’époque de sa formation au combat rapproché au centre de perfectionnement en arts martiaux des Bérets verts. Peut-être qu’en faisant basculer sa tête de manière assez brusque elle pourrait lui briser le cou et balancer son corps inerte sur le tapis, d’un coup de pied. Cette perspective exerçait sur elle une attraction irrésistible. Elle qui était sur le point de mettre en scène l’orgasme le plus simulé de tous les temps, voilà que, sans aucun doute, elle se sentait authentiquement émoustillée par ce petit fantasme.
« Oh, mon Dieu…, gémit-elle en imaginant le craquement de sa nuque brisée. Oh, mon Dieu ! »
Elle serra plus fort les cuisses et leva ses reins encore plus haut. Une simple bascule, soudaine, aurait suffi. « Oh, mon Dieu… je jouis !» s’étrangla-t-elle avec une sidération non feinte.
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