Elena Moya

Deux Espagne s'affrontent dans ce très joli roman signé Elena Moya, situé à Morella, ville fortifiée du Alto Maestrazgo, entre Teruel et la Catalogne. Derrière les murailles centenaires du Castra Aelia, le maire gère sa ville en dépensant sans compter et en faisant fi de la déontologie que lui impose sa fonction. Face à ces dépenses somptuaires et au clientélisme le plus éhonté, une seule voix semble s'élever, celle de Valli Querol, ancienne institutrice, fille de modestes agriculteurs, véritable hussard noir de la République qui infatigable, parcourut à dos d'âne le Maestrazgo pour instruire une population rurale isolée. Lors de la victoire des nacionales, Valli continua le combat avec les Maquis, aux côtés de la mythique Pastora. Contrainte à l'exil par une répression féroce, Valli est retournée à Morella à la mort de Franco, où elle passe pour une vieille relique. Les plaies sont toujours ouvertes, et Valli a encore des comptes à régler avec le maire. Tout pourrait comme dans bien des communes se dérouler à huis-clos, mais nous sommes dans la Communauté Valencienne, belle région à l'image ternie. La bulle financière est sur le point d'éclater, et le maire de Morella, maillon d'une longue chaine de corruption va se retrouver en fâcheuse posture.



La maestra républicana, l'institutrice républicaine, place les femmes au coeur de l'Histoire les enseignantes, les jeunes filles soucieuses de s'ouvrir au monde, les journalistes, les militantes, les résistantes, comme Victoria Kent, Teresa Pla Meseguer la Pastora, et Valli, qui est le symbole de toutes les enseignantes et de toutes les bibliothécaires républicaines sur lesquelles la purge s'abattit sans pitié (60.000 instituteurs éliminés). Elena Moya leur rend un vibrant hommage. A travers le combat de Valli contre la corruption politique et financière, Elena Moya s'insurge aussi contre le saccage économique et écologique de la côte valencienne, incarné dans le roman par le projet pharaonique de l'aéroport de Castellon de la Plana, flambant neuf et toujours sans voyageur.

Une petite vieille opiniâtre aux idéaux chevillés à corps qui se bat contre des moulins à vent, de longues promenades dans le Maestrazgo, les ruelles pavées de Morella font de la Maestra républicana une bien jolie lecture.

J'ai bien apprécié ce roman. Pas évident de faire évoluer son personnage dans ce monde de requins qu'est la politique. Isabel est un bel exemple de la femme espagnole qui a pu accéder à de grandes responsabilités, mais qui reste lucide jusqu'au bout ! Le machisme n'est pas mort surtout dans ce milieu.